Les principales transformations du métier d’historien
- des pratiques documentaires inédites(accroissement de l’accessibilité des documents ; massification de certains corpus ; modalités de traitement des sources)
- des formes originales de diffusion de la recherche (dont le blog ou carnet de recherche constitue l’archétype, mais ce n’est pas le seul exemple. Je pense notamment aux revues et livres électroniques qui, si la dimension électroniques est prise au sérieux, devraient permettre un nouveau rapport aux sources dans les publications historiques scientifiques)
- de nouvelles formes d’échanges scientifiques et pédagogiques (qui dépassent largement le modèle de la liste de diffusion : je pense notamment aux wikis, mais aussi aux blog – a fortiori quand ils sont collectifs – à des outils spécifiques comme les groupes Zotero de bibliographies collaboratives, mais aussi à des réseaux tels que Twitter, sur lequel évoluent d’ailleurs presque tous les intervenants de la table ronde et via lequel j’ai fait la connaissance de la plupart d’entre-eux – voir @inactinique, @enklask, @msonnet, @clioweb2 et votre serviteur du côté de @mXli1)
Anciennes donc, ces interrogations ont toutefois évolué depuis un peu plus d’une décennie avec ce qu’il est convenu d’appeler « l’ère numérique ». En fait, ce qui a changé, c’est que les questions se posent maintenant à tous, quels que soient l’ancrage chronologique ou l’approche privilégiée.
Un défi : la formation
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Quelques références à ce sujet :
Olivier Ertzscheid, « Et si on enseignait vraiment le numérique ? », Le Monde.fr, 3 avril 2012 [L’auteur tient un blog de référence que vous connaissez déjà certainement : affordance.info]Extrait : « (…)Combien de collégiens, de lycéens et d’étudiants, combien de ceux qui sont nés en 1996 sont-ils au courant de cette Histoire, de ces pratiques, de cette évolution ? Combien d’entre eux connaissent-ils le fonctionnement – même schématique – des algorithmes qui, dans Facebook ou dans Google, leurs proposent aujourd’hui des réponses avant même qu’ils n’aient formulé leurs questions ? Combien d’entre eux peuvent-ils expliquer pourquoi cette vidéo apparaît toujours classée première sur YouTube ? Combien d’entre eux sont-ils capables de comprendre ce qu’est un DRM lorsqu’ils achètent un livre numérique ? Et combien d’entre eux savent-ils qu’il existe des alternatives moins contraintes et tout aussi respectueuses du droit d’auteur, au travers de formats interopérables ?(…) »Frédéric Clavert, »Digital natives ou Facebook natives ?« , Clavert.net, 25 novembre 2011. [Je vous recommande vivement la lecture de la très riche et très intéressante section « Numérique » du blog de Frédéric]Extrait : « (…) Mais également mécontent d’un constat. J’avais devant moi des étudiants doutant de l’utilité d’un blog/carnet de recherche. Ils estimaient qu’un blog en histoire ne pouvait être intéressant que s’il était écrit par une “pointure”, un historien connu. Lorsque je lis Benoît Kermoal – qui m’excusera de ne pas le considérer comme une “pointure” – je sais à quel point ils ont tort.
Ce qui m’a effrayé – outre l’absence complète de connaissances sur l’histoire du web mais c’est à moi de le leur enseigner, après tout – c’est leur usage sans distanciation de l’outil informatique, sans réflexion et leur comportement a priori passif vis-à-vis, notamment, de Facebook.(…) »
Extrait : « (…)Menée dans le cadre du programme “Ethnographic Research in Illinois Academic Libraries”, cette enquête (dont les résultats seront prochainement publiés par l’American library association) confirme qu’en dépit de leurs réelles compétences technologiques, les étudiants rencontrent encore d’importants problèmes dans leurs recherches documentaires. Cette étude montre également que les étudiants ne sont pas conscients que leurs difficultés relèvent d’un besoin de formation et ne perçoivent pas que les bibliothécaires peuvent les aider.(…) »
Et pour aller plus loin…
Jones Chris, « Networked Learning, Stepping Beyond the Net Generation and Digital Natives », in Lone Dirckinck-Holmfeld, Vivien Hodgson et David McConnell (dir.), Exploring the Theory, Pedagogy and Practice of Networked Learning, New York, NY, Springer New York, 2012, pp. 27‑41.
Jones Chris, « Students, the Net Generation and Digital Natives: Accounting for Educational Change », in Michael Thomas (dir.), Deconstructing Digital Natives: Young People, Technology and the New Literacies, London & New York, Routledge, 2011, p. 220.Jones Chris, Ramanau Ruslan, Cross Simon et Healing Graham, « Net generation or Digital Natives: Is there a distinct new generation entering university? », Computers & Education, vol. 54, no 3, Avril 2010, pp. 722‑732.Jones Chris et Shao Binhui, The net generation and digital natives: implications for higher education, York, Higher Education Academy, 2011.
Thomas Michael (dir.), Deconstructing Digital Natives : Young People, Technology, and the New Literacies, Hoboken, Routledge, 2011
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Les apprentis chercheurs sont généralement eux-mêmes tout à fait conscients de leurs besoins (et parfois plus que ceux qui sont censés les former !). J’ai procédé à des enquêtes auprès des étudiants en master histoire de l’EHESS et leurs besoins de formation, nés d’une généralisation de l’utilisation de certains outils, ne font aucun doute.
- Enquête en cours sur la formation aux outils informatiques et ressources numériques des étudiants en histoire (résultats à suivre ici dans un prochain billet)
Deux directions complémentaires
Pour relever ce défi, je pense qu’il est nécessaire de repenser la formation des étudiants à deux niveaux.
- Vers une « culture numérique » commune ?
Schéma extrait de Émilien Ruiz, « Vers un socle commun de formation aux outils numériques ?« , La boîte à outils des historiens, 3 août 2011. |
Tableau extrait de Heimburger, Franziska, Ruiz, Émilien, «Has the Historian’s craft gone digital? Some observations from France», Diacronie. Studi di Storia Contemporanea, N. 10, 2|2012 |
- Des options de spécialisation et/ou de professionnalisation
Sur ces questions, lire la série de billets « pensées éparses » de Frédéric Clavert :
- Le code et l’historien contemporainéiste – pensées éparses, 7 septembre 2011
- Le temps, l’historien et l’informaticien – pensées éparses (2), 17 octobre 2011
- L’historien est aussi un technicien – pensées éparses (3), 11 juillet 2012
- Les Digital Humanities, une question de survie pour l’histoire contemporaine? – Pensées éparses (4), 27 juillet 2012
Un exemple de formation le « Master – Technologies numériques appliquées à l’histoire » de l’école des Chartes:
J’achèverai donc ce billet comme j’avais achevé mon propos liminaire en considérant que les deux principaux défis que les nouvelles formes d’écriture doivent relever à l’heure actuelle sont leur légitimation et leur généralisation – même si la situation semble de plus en plus encourageante… (voir à ce sujet les billets de Pierre Mounier et Mareike Koenig – ici et là – ainsi que la nouvelle rubrique « blogs et carnets » amenée à s’enrichir sur Devenir historien-ne).
Bonjour,
Le lien pointant vers ton avis sur Google ngrams est cassé. Est-ce que le texte est disponible ailleurs?
Merci par avance,
Marin
Je tombe sur ton commentaire très tard… Je vais corriger ça au plus vite, merci du signalement. En attendant, s’il n’est pas trop tard : https://boiteaoutils.info/wordpress/wordpress/2010/12/google-labs-books-ngram-viewer-un/