par Caroline Muller *
J’ai découvert il y a quelques mois le logiciel d’écriture Scrivener. C’est un outil d’aide à l’écriture qui a d’abord été conçu pour l’écriture « littéraire » : scénarios, ouvrages de fiction, essais, etc.
Pourtant, il serait plus juste de le qualifier de logiciel d’écriture « créative » puisqu’il est mobilisable dans bien d’autres contextes… dont l’ écriture universitaire.
Pourquoi utiliser Scrivener pour rédiger un manuscrit universitaire ?
Son atout principal réside pour moi dans la possibilité de gérer des informations multiples sur un même écran de façon fluide et rapide.
En écrivant ma thèse sous Word ou un autre logiciel de traitement de texte, je suis obligée de jongler sans cesse avec plusieurs fichiers ouverts : l’article sur lequel j’appuie mon propos, un fichier de transcription, mon manuscrit de thèse, le fichier sur lequel j’ai le plan, un autre avec les passages coupés… Sans compter la lenteur que cela ne manque pas de provoquer dans le fonctionnement de mon ordinateur, cela implique de gérer l’écran au millimètre lorsque tout cela se superpose, d’aller sans cesse rechercher dans les dossiers le fichier que je veux utiliser, de faire des aller-retours dans les notes de bas de page, etc. C’est la première chose qui m’a intéressée dans Scrivener : la possibilité de régler ce problème de surcharge de l’écran et d’affichage d’informations provenant de fichiers multiples. Scrivener permet de fractionner son écran :
Tout à gauche, la première colonne « classeur » contient mon plan, ce qui me permet d’avoir toujours une idée d’ensemble de ma thèse même quand j’écris une toute petite partie. Cette colonne est divisée en deux : le « projet » qui s’intitule « thèse de Caroline », et la partie « recherche » qui contient tous les fichiers que je vais utiliser en écrivant : articles, dépouillements. La deuxième colonne affiche mon manuscrit, la troisième la transcription que je souhaite mobiliser. Enfin, la troisième colonne que Scrivener appelle « inspecteur » affiche les notes et les commentaires du document. Cette possibilité d’avoir l’ensemble des données sous les yeux est un atout dans le contexte d’un travail universitaire qui oblige à faire tenir ensemble quantité d’informations.
Faciliter la création
Scrivener n’est pas seulement un outil technique : il facilite aussi la réflexion. Pouvoir afficher en un instant une liste d’arguments-clefs, revenir à un autre fichier ou à son plan sans masquer le manuscrit s’avère précieux pour la mise en lien des idées.
Dans la troisième colonne se trouve mon fichier « idées qui se promènent » dans lequel je consigne toutes les intuitions et hypothèses qui me passent en tête pendant l’écriture. En un clic je peux revenir à l’article que je consultais une minute auparavant. La fonction « recherche » permet de constituer des sous-dossiers qui rassemblent toutes les notes de lecture que l’on veut utiliser sur un même sujet :
Les fonctions « recherche » et « mots-clefs » aident à retrouver rapidement les documents qui traitent du même thème. Cela évite les répétitions et autorise la mise en lien de paragraphes de la texte qui abordent le même sujet sous différentes facettes.
Révisions et commentaires
L’une des premières difficultés qui s’est présentée à moi au début de l’écriture concernait la gestion des versions de manuscrit et des relectures. Quant plusieurs relecteurs ont travaillé sur un même passage, sans compter les modifications apportées jour après jour au fil de la réflexion, on peut très rapidement se perdre – confondre les versions, réécrire des passages déjà écrits (!). Scrivener offre plusieurs solutions.
Du point de vue de la reprise personnelle de son manuscrit (l’auto-relecture), le principe des « commentaires » est très pratique. Cela ressemble à la fonctionnalité « révision » de Word :
Cliquer sur « + » ajoute un commentaire dans la marge, « +fn » étant réservé à la note de bas de page. Si cette fonction reste assez classique, Scrivener approfondit la gestion des métadonnées par plusieurs outils disponibles dans « l’inspecteur ».
Pour accéder à ces fonctions, il suffit de cliquer sur le petit carnet blanc avec l’étoile, en bas à gauche de l’écran. S’affichent alors des informations utiles : le résumé du paragraphe, le statut du document (on y reviendra), la date et l’heure de dernière modification, et surtout l’onglet « notes ». Pour ma part, je m’en sers principalement comme passerelle avec mes notes manuscrites dont je ne peux me passer (le « carnet rose »)
L’écriture d’une thèse est bien souvent une expérience d’écritures par « couches », par ajouts et retraits successifs, par petites touches. Pour se repérer, Scrivener propose l’outil « révision » :
Si vous reprenez à votre manuscrit à cinq moments différents, vous pourrez suivre l’évolution de votre paragraphe en attribuant une couleur à chaque session d’écriture, et rendre immédiatement visible vos ajouts et vos modifications.
Quid des autres relecteurs ?
L’usage de Scrivener n’étant pas très répandu, il faut songer à la manière dont on intégrera les relectures dans le logiciel. C’est très simple : il suffit d’importer le document relu avec la fonction « importer »
Scrivener importe automatiquement le document avec tous les ajouts et les commentaires de votre relecteur – ils s’affichent alors comme les commentaires de la fonction « révision » de Word.
Un dernier outil permet de comparer les différentes version d’un document mais je l’utilise peu pour le moment : la fonction « instantané » :
Le principe est le même que celui de la capture d’écran : Scrivener prend une photographie de votre document à un moment précis. Ensuite, vous sélectionnez la version avec laquelle vous voulez le comparer. Le logiciel surligne alors ce qui a changé entre les deux versions, ici « je teste la fonction instantané » en grisé. Il est ensuite possible d’agir sur le document et de demander à Scrivener de restaurer la version initiale (« restaurer »). Cette fonction est disponible dans l’inspecteur : c’est le petit appareil photo à gauche de la fonction « notes de bas de page » (n*)
Une aide à l’organisation du processus d’écriture
Passé le moment de prise en main de base (vraiment rapide), on peut explorer d’autres outils d’organisation très pratiques. Pour ceux qui souhaitent voir leur avancée en temps réel, on trouve la fonction « objectif » :
Vous pouvez définir un nombre de mots à atteindre pour la session d’écriture. Il suffit de cliquer sur la petite spirale en bas à droite de l’écran, à côté de l’inspecteur. Scrivener vous indique alors en temps réel votre avancée par une barre colorée en bas à droite :
Si vous avez atteint votre objectif et que vous avez activé la fonction « notifications », le logiciel vous l’indique. A noter qu’on peut aussi demander à suivre le nombre de caractères, ce qui est particulièrement utile pour le suivi du nombre de signes dans l’écriture d’un article.
D’autres petites fonctionnalités rendent l’organisation plaisante et ludique. J’apprécie le système d’icônes de personnalisation des documents :
Le repérage de l’usage de tel ou tel document est facilité. De mon côté, l’éprouvette concerne les idées non rédigées ; les drapeaux de différentes couleurs les versions des documents ; le lutrin une version de base en cours d’écriture ; l’oeil le plan etc.
J’aime aussi beaucoup le principe du tableau, activable en cliquant sur l’icône « tableau », à gauche de la loupe de recherche :
Cette fonction affiche en quelque sorte le quatrième de couverture de chaque partie. On y trouve le résumé ou le projet du document si on l’a mentionné.
Comme d’autres logiciels, Scrivener propose un « mode composition » qui n’affiche que le manuscrit, pour une plus grande concentration :
Personnalisation
La souplesse de Scrivener est un atout considérable. Tout, ou pratiquement tout, est personnalisable et ajustable à sa pratique d’écriture personnelle. On peut fractionner son écran à la verticale ou l’horizontale, disposer n’importe quel bouton à son gré, et même enregistrer sa disposition préférée comme modèle. Dans le dossier recherche, on peut mémoriser des images, des PDF, des fichiers texte. Cela fonctionne véritablement comme un bureau d’écriture : si vous aimez écrire au milieu d’un immense bazar et de vos photos préférées, c’est possible.
Et ensuite ?
Comme vous l’avez compris, Scrivener est un outil d’écriture et non un outil de traitement de texte. Pour une mise en forme basique, je pense qu’il peut suffire. Pour une thèse par contre, il est nécessaire de styler ensuite le document dans un logiciel de traitement comme Word ou Libre Office, ne serait-ce que pour suivre la feuille de style imposée par l’université. C’est très simple : il suffit de sélectionner ce que l’on veut « compiler » (c’est le terme de Scrivener) puis lui indiquer le bon format.
Il produit alors un document qui intègre commentaires et notes de page (ou non selon le choix défini). Il suffit ensuite d’ouvrir le fichier avec son traitement de texte favori et de le mettre en forme. Cela n’a pas été un problème pour moi puisque les deux opérations font l’objet de temps nettement séparés.
Et Zotero ?
Je ne sais pas comment le logiciel s’articule avec tous les logiciels bibliographiques. Je l’utilise avec Zotero et cela ne pose pas de problème particulier. Un plug-in a été développé par l’équipe de Zotero et toutes les explications sont disponibles ici.
Cela ajoute une petite étape : après la « compilation », un passage par le convertisseur Zotero avant d’ouvrir le fichier dans le traitement de texte.
Quelques informations pratiques
Vous trouverez le logiciel ici. Je l’utilise sous Mac OS X Yosemite (10.10.1) mais il est bien sûr disponible sous Windows.
C’est un logiciel payant : la licence « éducation » coûte 35 à 38 dollars selon votre système d’exploitation. Vous disposez cependant d’un mois gratuit avant de décider si l’investissement vaut la peine.
*L’invitée de la boîte Caroline Mullerest PRAG à l’université de Reims Champagne-Ardenne et doctorante au sein du laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes (LARHRA). Elle y prépare actuellement une thèse d’histoire contemporaine sur l’histoire du catholicisme et l’histoire du genre au XIXe, plus particulièrement sur la pratique de la direction de conscience. Voir son carnet de recherche : Acquis de conscience ; la suivre sur twitter @ccaro_ligne |
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Crédit image de une : Day 573 / 365 – How to fix the credit crunch by Jason Rogers en cc sur Flickr
Bonjour,
Un écrivain, Lionel Davoust, a fait un travail très appréciable qu’il a partagé pour nous aider à adapter Scrivener à la typographie française (une des raisons qui me faisaient hésiter à acheter le logiciel, par ailleurs bien utile). Je pense que cela en intéressera plus d’un-e !
Hhttp://lioneldavoust.com/2015/voici-comment-respecter-facilement-la-typographie-francaise-avec-scrivener/
Je voudrais bien installer ce logiciel qui m’a l’air très pratique, mais je n’ arrive pas à trouver la version payante.
Le chargement gratuit est refusé par ma protection windows.
Merci de me donner le tuyau.
cordialement
Ch. Martin
Bonjour, je viens de consulter votre article, qui est très intéressant et bien écrit. Ce logiciel m’intéresse mais j’aimerais savoir s’il est utilisable sur plusieurs ordinateurs.
Merci d’avance.
Bonjour et merci pour ces infos précieuses. De mon côté, je rencontre un petit hic avec Scrivener : j’ai créé une couverture sous Canva pour un livre numérique mais ne parviens pas à l’intégrer au moment de la compilation. J’ai un fichier jpg sur mon ordinateur. Comment l’insérer à mon projet Scrivener en cours ? Merci pour votre aide.