Compléter les compétences de médiation patrimoniale par l’usage du numérique. Valorisation du patrimoine via la création d’un site web en formation initiale,
par Bertrand Mocquet, Marie-Hélène Sangla, Julien Lugand & Sarah Maugin (*)
L’ambition de cet article est de partager et d’échanger sur une pratique enseignante débutée il y a trois années universitaires au sein d’un Master 2 Professionnel « Gestion, Conservation et Valorisation du Patrimoine territorial » à l’Université de Perpignan. Cette pratique ne se veut pas modélisatrice ; il s’agit de montrer une voie de développement des compétences de médiation patrimoniale par l’usage du numérique. Cet enjeu, que nous percevons comme primordial, sera évoqué dans un premier temps. Nous décrirons ensuite
la genèse de ce dispositif de formation initiale, en insistant sur son coté interdisciplinaire, mêlant l’histoire, la valorisation patrimoniale et les sciences de l’information et de la communication, plus particulièrement le développement des usages du numérique. Enfin, nous laisserons la parole à plusieurs étudiants – récemment diplômées (2014 et 2015) et maintenant en activité, ou ayant suivis cette année la formation – afin d’avoir leur impression sur l’apport de l’usage du numérique dans leur pratique de la médiation.
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1. La genèse du dispositif de professionnalisation des étudiants
Les annonces d’emploi des professionnels du secteur touristique et patrimonial montrent qu’ils sont à présent, et de plus en plus souvent, recrutés avec un statut de cadre. Au-delà des contenus académiques « habituels » du master s’ajoutent, dans ce cas, des compétences linguistiques et numériques. Pour ce dernier point, la présence quasi-systématique de l’usage du numérique, pour nous touristes, dans le choix de destination y est pour beaucoup. Le « numérique devient un facteur d’attractivité pour les territoires » et « les professionnels du tourisme doivent s’adapter ». (Le Pailh, 2014) : il s’agit donc d’une transformation du métier de manager, de personnel encadrant responsable d’un service, du secteur public ou privé. Dans « l’ambivalence du métier de manager » (Basso, 2007), Olivier Basso rappelle que l’on distingue, voire oppose, habituellement deux modes de fonctionnement du manager :
- d’un côté, le management qui assure la maintenance de l’organisation et la continuité de son développement ;
- de l’autre, le leadership qui doit permettre la transformation des modalités organisationnelles en dirigeant durant le temps incertain d’une transition et en assurant l’avènement d’un nouvel ordre.
C’est sur le premier volet du métier de manager, l’aspect maintenance de l’organisation et continuité de son développement, que nous avons posé notre regard concernant les usages du numérique.
Entendons-nous sur le numérique
Lors du dernier colloque d’EUTIC, le réseau international et interdisciplinaire pour les enjeux et usages des technologies de l’information et de la communication, sur les écosystèmes numériques et la démocratisation informationnelle, le numérique a été abordé lors d’une communication (Mocquet, 2015), comme étant à la croisée de plusieurs notions :
- un objet technique ou un système technique,
- un vecteur de communication humaine,
- un territoire,
- un dispositif.
L’utilisation du numérique dans les entreprises françaises
L’Observatoire du numérique (Observatoire du numérique, 2013) créé par le Ministère de l’Industrie, afin de fournir aux pouvoirs publics, aux décideurs économiques et plus généralement au public, une information régulière sur l’état et l’évolution des secteurs du numérique et sur la diffusion des technologies numériques dans l’économie et la société, propose régulièrement des enquêtes ciblées. Les résultats de celle portant sur le numérique et le commerce électronique de 2012 ont révélé que « les entreprises françaises se caractérisent par des taux d’équipement et d’usage des TIC contrastés, se situant plutôt près de la moyenne des pays de l’Union européenne [et qu’il] convient de souligner que les grandes entreprises (250 salariés ou plus) ainsi que les PME appartenant à un groupe, adoptent et utilisent davantage les TIC que les petites entreprises. Cette différence est d’autant plus marquée que les outils sont plus avancés ou complexes. »
Les méta-usages numériques du manager
Quels que soient les métiers, les organisations interfèrent avec le système d’information de l’entreprise. Depuis quelques années, celles-ci tentent de structurer les métiers autour de processus, flux d’informations et autres urbanisations par métiers, avec parfois une entrée par l’outil. Le manager d’aujourd’hui peut se sentir déstabilisé par cette prise en main hypothétique de la structuration de son service par un autre service ou par un autre cadre, nous parlerons ici des Directions des Systèmes d’informations. Ne possédant pas un minimum de culture numérique des organisations, le manager se trouve enclavé entre des usages avérés de personnes qu’il encadre et une hiérarchie qui lui impose des changements utilisant davantage de numérique.
2. La méthodologie du dispositif dans le cadre d’un Master en valorisation du patrimoine
Du côté du numérique
L’outil de développement des usages du numérique en master 2 repose sur les compétences, supposées acquises, du référentiel C2i niveau 1, et développe celles du référentiel C2i Niveau 2 « Fonction des organisations et de la communication » (MENSR, 2013). Le C2i, littéralement Certificat Internet et Informatique, créé en 2002 (BOEN, 2002), est une certification de compétences numériques délivrée par les universités françaises : en licence C2iNiveau1, en Master C2iniveau2. Il contient pour ce qui concerne le C2i Niveau 2 « Fonction des organisations et de la communication » des domaines de compétences transversales communes à tous les C2i Niveau 2 (Connaître et respecter le droit et obligations liés aux activités numériques en contexte professionnel ; Maîtriser les stratégies de recherche, d’exploitation et de valorisation de l’information numérique ; Organiser des collaborations professionnelles avec le numérique) et des compétences spécifiques (Appréhender une organisation au travers de son système d’information ; Maîtriser la stratégie de communication numérique au sein d’une organisation ; Organiser et planifier le travail à l’aide d’outils numériques).
Les fondements de la didactique employée dans ce module
La formation vise à provoquer les usages du numérique en s’appuyant sur une pédagogie en mode projet : la finalité est une médiation utilisant le web, considéré alors comme un « système technique » (Gille, 1978) à appréhender par les étudiants en utilisant une situation « d’enseignement-apprentissage instrumentées » (Marquet & Leroy, 2004). Nous reposons ici notre méthodologie sur la notion d’artefact (Rabardel, 1995) décrite comme « les rapports entre un sujet et un système technique en utilisant le terme d’artefact pour désigner les systèmes techniques, sous l’argument que ces dispositifs construits partagent de nombreuses caractéristiques avec d’autres constructions de nature intellectuelle ».
Cet emboitement des instruments numériques, lors de la collaboration (Framapad, Google Documents), la recherche (Zotero), la communication (Prezi et Wix), pousse les étudiants à des situations alternant des situations individuelles et des situations de groupe « il s’agit du groupe où l’instrument peut remplir une fonction de médiation collaborative pour atteindre des buts communs au sein des activités collectives. » (Marquet & Leroy, 2004). Ces situations sont d’ailleurs parfois le siège d’erreurs, qui au final, construisent l’usage du numérique visé.
La formation avant la certification
Onze séances d’enseignements correspondant suivant les années en une vingtaine d’heures équivalentes TD ont permis de proposer un parcours de formation alternant les apports théoriques (support de cours posé sur l’étagère de l’Environnement Numérique de Travail de l’Université) et les apports pratiques, selon un fil conducteur apporté par le projet qui se découpe en 10 étapes :
- Le brief / cahier des charges du site
- L’ergonomie du site, son plan
- Le choix du template du site
- L’organisation du groupe
- La recherche de d’informations sur le contenu
- La production de contenu
- L’intégration dans le Component Management System (CMS)
- La recette interne
- La recette client (soutenance)
- Le bilan
Le contenu des séances durant tout le semestre est consigné par un des étudiants qui joue le rôle de secrétaire de séance sur un bloc note en ligne partagé au sein du groupe. Les onze séances sont donc suivi l’organisation suivante :
- Séance 1 : Contexte, commande et brainstorming
- Séance 2 : Rédaction du cahier des charges
- Séance 3 : Utilisation de zotero
- Séance 4-5 : Travailler collaborativement : pitcher son projet
- Séance 6 : Réaliser une enquête de satisfaction en ligne
- Séance 7 : Notion d’écriture WWW et production collaborative du site
- Séance 8-9-10 : Production collaborative du site
- Séance 10 : Remise en forme de la frise chronologique
- Séance 11 : Finalisation du site
Les productions finales
Bien entendu, les sites web en ligne, réalisés sur la plateforme gratuite WIX, représentent la partie la plus visible de ce module de formation. Sur les trois années, le résultat a toujours tenu ses promesses, et chaque article fait l’objet d’une relecture conformément aux précautions instaurées en terme de valorisation du patrimoine.
Figure 3 : Les édifices gothiques (2013-2014) | Figure 4 : L’ancienne Université à Perpignan (2014-2015) | Figure 5 : Trois circuits de visite de Perpignan (2015-2016) |
Mais les sites ne sont qu’une partie visible du développement des usages du numérique par ces étudiants, puisque suivant le déroulé de séances, les étudiants ont été capables de produire : un document collaboratif sur PREZI, une prise de note sous Framapad, des prises de vues avec leur appareil photo numérique, et des bibliographies sous Zotero.
Du côté de la médiation
Instauré en 2013, le dispositif pédagogique s’appuie sur une articulation entre le disciplinaire et le numérique. Dès l’origine, le choix des équipes fut de de s’appuyer sur la valorisation d’un patrimoine local, permettant aux à la majorité des étudiants du Master – Français et Espagnols étrangers à la région – de la découvrir et de se l’approprier, et le cas échéant, se déplacer pour mieux l’appréhender.
Le développement de cette compétence – la valorisation du patrimoine -, s’appuie autant sur le partage d’expérience avec les professionnels du patrimoine que sur la transmission des savoirs académiques relatifs à l’histoire du patrimoine. L’articulation théorique entre ces deux aspects de l’enseignement, en formation professionnalisante, se situant dans la prise en compte des processus de patrimonialisation comme facteurs préalable à toute initiative de gestion et de valorisation. Jean Davallon (Davallon, 2006) a expliqué les étapes sans lesquelles il ne peut y avoir de transformation d’un objet en objet du patrimoine. Ce processus se réfère d’abord à la transmission dans le temps d’objets (réalités matérielles ou immatérielles) ; ensuite à la production de savoirs ayant traits à ces objets ; enfin à la reconnaissance ou à la construction de statut pour ces objets en utilisant les savoirs au préalable définis.
C’est en étroite collaboration que les enseignants du C2I2 et du Master ont d’abord défini les contours et le processus méthodologique associant les compétences en technologies de l’information et de la communication, histoire de l’art, histoire du patrimoine, médiation culturelle. Le projet numérique appliqué à l’enseignement de médiation du patrimoine a reproduit les étapes « théoriques » de la patrimonialisation contribuant ainsi à unifier la méthode. La construction du site web a été pensée de la manière suivante :
- un outil de transmission rendant accessible la connaissance d’un objet au plus grand nombre en utilisant les ressources numériques,
- un exercice de production de savoirs – transformation et adaptation des contenus scientifiques par l’écriture numérique,
- un moyen d’identification et de reconnaissance des contenus.
Les trois étapes reprenant de fait les trois étapes du processus de médiation, il était démontré qu’une synergie était possible, tant sur le plan de la méthode que des objectifs. Cette construction présentait en outre un triple avantage : créer un lien entre les publics et des objets devenus « patrimoine » par un statut social et symbolique nouveau ; démontrer la complémentarité entre la dispense des savoirs théoriques et académiques et les moyens de leur mise en œuvre ; favoriser l’acquisition de compétences dans le domaine de la médiation culturelle.
L’exemple de la médiation par le C2I du patrimoine gothique de la ville de Perpignan.
L’association C2I2 et médiation du patrimoine imposait une double réflexion préalable concernant :
- l’objectif de l’outil de médiation ;
- la pertinence des objets patrimoniaux choisis.
Concernant l’objectif, il est expérimental pour les étudiants et destiné à des publics définis. Même si, faute de temps, la réflexion sur les publics a été embryonnaire, il fut décidé d’y associer deux types de public : les touristes et les habitants. Cela imposait le choix d’un patrimoine défini dans un espace délimité et ce fut la ville médiévale qui fut d’abord retenue, parce qu’au cœur des pratiques touristiques à Perpignan et, dans le même temps en cours de réappropriation par les habitants et les acteurs économiques dans le cadre d’un projet de revitalisation du centre-ville – « Perpignan destination touristique ». L’idée, pertinente, d’un espace urbain à valoriser dans son ensemble s’est rapidement révélée trop vaste. Il fallait un patrimoine identifiable, symbolique, représentant l’identité de la ville et du territoire. Ce fut le gothique qui fut retenu : homogène, il présentait une unité (temps, espace, formes) ; les objets conservés constituaient en outre un maillage de l’espace permettant un parcours réel autant que dématérialisé grâce aux applications numériques.
Les étapes
Quel que soit l’objet patrimonial retenu, la méthodologie utilisée par les étudiants est la même. La première étape consiste à identifier les objets patrimoniaux à partir de l’Inventaire des Monuments historiques et des ressources historiques disponibles (archives, bibliographie). Cette démarche garantit la solidité scientifique du projet avec d’autant plus d’aisance que les étudiants sont tous issus d’un Master 1 où ils se sont formés aux outils traditionnels de la recherche scientifique. La deuxième étape est consacrée à la production de contenus. Cela consiste d’abord à adopter une écriture « grand public » en adaptant les contenus scientifiques sans altérer la rigueur du propos. Il faut ensuite l’adapter au format spécifique des pages web créées. Dans le cadre de la valorisation de l’art gothique, cette seconde étape a fait apparaître plusieurs principes : la chronologie comme ligne rouge du propos; le principe « une page, un sujet » appliqué à différents thèmes – dans ce cas définis suivant les nomenclatures de l’histoire des arts (l’histoire, le contexte, l’architecture, la peinture, la sculpture, l’évolution des formes) ; enfin des entrées par noms de lieux permettant l’approche géographique du sujet.
3. L’évaluation du dispositif par les étudiants concernés : une compétence professionnelle acquise
Le point de vue des étudiant-e-s de 2015-2016
Le projet de cette année a été motivé par l’organisation du séminaire national C2i[1] à l’Université de Perpignan les 21 et 22 janvier 2016. Le but était de proposer aux quelques 140 participants venus de toute la France et de l’étranger, une découverte de la ville, guidée grâce à l’outil numérique.
Le choix s’est orienté sur une présentation des principales artères et monuments, autour de trois circuits thématiques retenant les points « incontournables » de Perpignan. Associer la conception d’une visite patrimoniale et celle d’un site web, adaptable sur les supports privilégiés de la tablette et du smartphone : un tel objectif est venu mettre en exergue les problématiques relatives à l’accessibilité de l’information. Un élément somme toute central dans une formation de médiation et de communication. C’est à partir de cet arrière-plan que peuvent être analysés le cheminement et les apports de cette réalisation.
Tout d’abord, l’information qui circule au sein même d’une équipe fonctionnant sur un mode collaboratif, se doit d’être simultanée. Les outils tels que Framapad, Google Drive ou encore Google Sheets assurent l’échange concomitant des données. Cet aspect « combiné » du travail de groupe oblige au respect, de manière plus ou moins spontanée et consciente, de l’apport de chacun, sans que la modification de l’un ne vienne entièrement effacer la contribution de l’autre. Or, un tel risque semble facilement arriver sur ces plateformes qui n’incluent pas une sauvegarde systématique des versions antérieures. Le bloc-notes en ligne constitue cependant un bon instrument d’évaluation constante entre les attentes initiales fixées, les phases de concertations successives restituées et les réponses apportées progressivement.
À l’égard des utilisateurs, la mobilité apparaît comme le mot d’ordre. Ces derniers peuvent passer d’une visite uniquement virtuelle à une visite in situ, accompagnés de leur portable par exemple. Plusieurs types de contenu sont proposés, naviguant entre textes, photographies ou encore une frise chronologique et ce en optimisant l’ergonomie du site. La structure de ce dernier a en effet été pensé toujours avec cette idée de « combinaison » dans les possibilités d’atteinte aux données ciblées.
Enfin, la viabilité de l’information constitue un élément-central. Après avoir été collectée et tracée grâce au logiciel Zotero, sa bonne restitution auprès du public passe à la fois dans la qualité de sa synthèse mais aussi dans la mention des sources utilisées, pour les photographies qui n’ont pas été prises par les étudiant-e-s ou encore par la mise en ligne de la bibliographie dans une section du site. Le visuel joue également un rôle important, la gamme de couleurs sélectionnée pour la mise en forme, d’après le critère « moderne », représentant un gage de crédibilité et d’attraction.
L’ensemble d’un tel dispositif offre, sur le plan pédagogique, une autre forme d’apprentissage, passant par l’application quasi-simultanée des compétences évoquées au fil des heures de travail. La part de théorie est de fait re-modélisée. Par ailleurs, certaines étapes amènent à prendre conscience de ce qui est en train d’être accompli, à l’instar du pitch du projet, exercice de promotion, qui rend compte de son état d’avancée.
Il s’agit également d’une fenêtre sur le monde professionnel, notamment en ce qui concerne le management d’une équipe. Le système numérique vient éclairer l’interférence des personnalités et des maîtrises de chacun sur la progression d’un travail de groupe. Chacun possède sa propre réaction vis-à-vis des outils proposés, chacun se les approprie d’une certaine façon derrière une utilisation commune. La combinaison s’avère dans ce cas aussi intéressante que compliquée à gérer. Quoiqu’il en soit, articuler le numérique à un projet collaboratif de valorisation patrimoniale s’est avéré, pour l’ensemble des étudiant-e-s, une expérience plus qu’enrichissante.
Deux anciennes étudiantes devenues professionnelles du secteur (2014-2015)
Deux témoignages d’étudiants ayant travaillé sur des projets de valorisation numérique du patrimoine, aujourd’hui en milieu professionnel, permettent d’évaluer la pertinence des choix opérés par l’équipe pédagogique à l’époque.
Le premier témoignage est celui d’Elodie Bouché (L3 Histoire de l’Art, Toulouse 2 ; M1 Histoire de l’Art, Université de Perpignan) : « le C2i était une UE intégrée à mon cursus de Licence. Concernant le C2i2 suivi lors des deux semestres de mon Master 2 à l’Université de Perpignan, je vois à quel point il m’a aidé. Je retiens particulièrement les domaines suivants :
- la méthodologie : de la recherche en nous apprenant à définir des contenus, à proposer des plans en vue de la rédaction, à traiter de données massives dont il faut extraire des concepts et les classer ou les hiérarchiser (zotero); la méthodologie d’organisation de travail, en nous organisant de manière autonome autant que collective, dans ce dernier cas grâce aux travaux d’ateliers en groupes ;
- la communication : le travail sur divers supports comme la création d’un site internet, la mise en place d’une politique de réseaux sociaux, en faisant participer des internautes à une enquête de satisfaction ; la maîtrise d’une stratégie de communication à travers la notion de charte graphique et de construction d’un logo ;
- la production de contenus : l’adaptation des textes aux différents supports (site web, réseaux sociaux, supports papier) et aux différents publics ;
- la formation à la veille d’informations.
Cet enseignement nous a permis d’appréhender l’essor de la culture numérique et l’indispensable connaissance des outils dans la médiation patrimoniale dont nous avons constaté combien elle passe, à présent, par les nouvelles technologies : différents publics, évolution permanente des outils…. Il est impératif pour les acteurs du domaine de maîtriser et comprendre afin d’innover et apporter les outils ludiques, originaux et efficaces. La meilleure preuve nous a été apportée dans le cadre du projet tutoré collectif, qui consistait à valoriser les patrimoines d’une nouvelle entité (Communauté de Communes Conflent-Canigó) née de la fusion de deux communautés de communes. Le souhait des élus était de montrer l’unité du territoire nouvellement crée à travers la valorisation du patrimoine qui y était conservé. Il fallut d’abord créer une « image » commune, à travers un logo et une charte graphique, donnant ainsi visibilité et lisibilité ; ensuite, des outils numérique de médiation (site Internet, réseaux sociaux ; enfin animer l’ensemble par des actions ciblées comme des concours photo. Le projet tutoré nous permet de mesurer immédiatement et concrètement l’apport autant méthodologique que théorique du C2i2 dans notre formation. La valeur ajoutée concernant la médiation est incontestable : actuellement dans une société privée d’Ingénierie culturelle à Toulouse, je mets quotidiennement à profit les compétences et savoir-faire acquis tout au long de cette année avec, par exemple : la création d’outils de médiation ciblés pour le public enfant ; la production de contenus adaptés à différents supports (panneaux, site Internet, Prezi) ; l’aide au développement de la communication des sites à travers la recherche de données clients, la prospection, et l’établissement d’un plan de communication par la réflexion autour de la création d’une image. Si, aujourd’hui, je suis toujours à la recherche d’un emploi fixe, il est indéniable que les compétences acquises, en termes d’organisation du travail, de hiérarchisation des données, et de présentation numérique de contenus n’auraient jamais été les miennes sans cet enseignement. »
Le second témoignage est celui de Marina Batinic (étudiante croate, M1 Histoire de l’Art, Université de Perpignan) : « le C2i2 fut pour moi un des cours « structurant » de ma formation ; un atout majeur pour nous présenter pour la première fois auprès des employeurs. Dans tous les domaines, les connaissances sur le numérique sont devenues indispensables, c’est encore plus vrai dans le domaine de la valorisation des patrimoines, si l’on souhaite répondre aux besoins de la société actuelle. Il est en effet très important pour nous, futurs gestionnaires du patrimoine/médiateurs/employés du tourisme/ou autre, d’apprendre comment adapter nos connaissances théoriques à un public large et divers. La méthodologie du C2I nous a ainsi permis de comprendre la façon d’intégrer et de présenter l’information essentielle, précise et compréhensible sur un sujet historiquement très large – ce qui est souvent assez difficile pour des historiens. L’essentiel est d’utiliser les techniques d’organisation et de planification afin d’atteindre les objectifs d’un projet de valorisation du patrimoine, c’est-à-dire définir ce que l’on souhaite expliquer et comment le présenter pour le rendre accessible. Il était important d’apprendre comment travailler en groupe mais aussi de se « familiariser » avec une large gamme des outils numériques qui sont mises à notre disposition en ligne. Grace à la méthodologie adaptée nous avons réussi à nous exprimer et être créatifs.
Dans mon parcours professionnel et suite au Master, je n’ai pas cessé d’utiliser le numérique – en partant des réseaux sociaux, des programmes pour la création des sites internet, (Wix, WordPress), jusqu’aux outils pour le design graphique. Voici quelques exemples:
- Dans le cadre du projet sur le développement du réseau des villes historiques croates (en collaboration entre l’UPVD, l’Association nationale française des villes et des pays d’art et d’histoire ANVPAH & VSSP et l’Ambassade de France en Croatie) – la création du document de communication pour l’Association des villes historiques croates (HUPG) ;
- La mise à jour du site internet de l’Association HUPG ;
- La création de pages Facebook et Twitter et de « Newsletter » mensuel pour l’Association HUPG ;
- Dans le cadre du projet Européen MEFRO (Mémoires européennes des frontières) coordonné par l’UPVD en collaboration avec l’EUROM (European Observatory on Memories) et cinq autres pays: Espagne, Italie, Allemagne, Estonie, Slovénie – la création du site internet du projet (ainsi que le logo et le design graphique du programme et de l’affiche de la conférence à Tarragone qui aura lieu fin avril cette année).
- Actuellement, en tant que stagiaire à la Commission Européenne (DG Coopération Internationale et le développement DEVCO, Unité 03) une de mes taches c’est également la mise à jour de leur site internet.
Encourager la créativité chez les étudiants est primordial car c’est justement cela qui est le plus demandé dans le monde professionnel – être créatif pour savoir comment intéresser le public à un sujet que ne les attire pas forcement; de savoir comment offrir quelque chose de nouveau à ceux particulièrement intéressés par un sujet spécifique et finalement d’être original et de continuer toujours d’apprendre. Je soutiens alors tous les efforts de l’UPVD dans une démarche d’élargissement de l’offre de la formation numérique et de son adaptation à ce monde et à ce domaine qui change si rapidement ».
Conclusion : « Inventer les formations du XXIe siècle »
Dès 2014, Un an après sa mise en place au sein du Master Gestion, conservation et valorisation du patrimoine territorial, nous avons pu constater la pertinence de la méthodologie proposée au travers d’une autre formation : le Master Miro.eu.pm (Master Interdisciplinaire par regroupement des organismes entrepreneuriales et des universités du territoire Pyrénées-Méditerranée), Master 2 Professionnel en Tourisme culturel, développé dans le cadre d’un IDEFI (Initiatives d’Excellence en Formations innovantes). Le cadre d’application était plus large car associant 5 établissements de l’Euro-région Pyrénées Méditerranée : 3 Universités – Perpignan, Andorre, Iles Baléares ; un observatoire océanologique – Banyuls-sur-mer (Université Paris VI) – ainsi que Sciences Po Toulouse. Il était pédagogiquement différencié car basé sur une plateforme d’enseignement à distance (Moodle), multilingue (français, espagnol, castillan et catalan).
La formation C2i2, telle que pensée et développée dans le Master, fut confortée par la grande enquête faite auprès des acteurs socio-économiques du secteur, des étudiants (récemment diplômés ou susceptibles de s’inscrire au sein de la formation), afin d’évaluer les besoins en termes de formation. Il apparut que pour accompagner la mutation du secteur touristique et former des acteurs du développement local dans ce domaine de niveau « cadre », le C2i2, tant du point de vue théorique que dans les domaines d’application auxquels il formait, était au cœur des besoins.
L’un des aspects les plus innovants du Master Miro est d’avoir construit une formation unique de niveau Master 2, à l’échelle de 3 Pays (France, Espagne, Andorre) : l’étudiant s’inscrit au même moment dans les 3 pays, suit une formation multilingue de deux années et obtient à l’issue de ce cursus 3 diplômes nationaux. Dans la construction d’une maquette commune d’enseignement, le C2i2 obtint logiquement une place centrale : enseignements sur les 3 semestres d’une formation de deux ans dont – le dernier semestre est un stage ; lien avec les enseignements liés au numérique (TIC et Tourisme, e-tourisme). La construction d’un site web en accompagnement des projets tuteurés, permettant aux étudiants de valoriser leurs recherches dans le cadre des projets tuteurés.
Ainsi, une certification de niveau 2 qui avait montré toute sa cohérence dans un domaine en pleine évolution – la valorisation du patrimoine -, montrait un intérêt encore plus grand à une échelle eurorégionale, avec un public européen et dans un cadre multilingue. Les premiers retours des étudiants, inscrits depuis le mois d’octobre 2015, prouvent la pertinence de la méthodologie, autant du point de vue de l’apprentissage de l’organisation du travail, de la structuration de la recherche, que de ses applications.
Au terme de bientôt trois années d’existence, il apparaît très clairement que cette expérience pédagogique permet à cette université de conforter ses missions de formation et d’insertion professionnelle tout en se projetant sur la Stratégie Nationale de l’Enseignement Supérieur, « Inventer l’éducation supérieure du XXIe siècle ».
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Observatoire du numérique. (2013). Outils avancés. Consulté à l’adresse http://www.observatoire-du-numerique.fr/usages-2/professionnels/outils-avances
Proulx, S. (2002). Trajectoires d’usages des technologies de communication: les formes d’appropriation d’une culture numérique comme enjeu d’une «société du savoir». In Annales des télécommunications (Vol. 57, p. 180‑189). Springer.
Rézeau, J. (2002). Médiation, médiatisation et instruments d’enseignement : du triangle au « carré pédagogique ». ASp, (35-36), 183‑200. http://doi.org/10.4000/asp.1656
Rizza, M. (2014). Document et musée : du discours sur l’œuvre à la médiation culturelle. Documentaliste-Sciences de l’Information, Vol. 51(2), 28‑29. Consulté à l’adresse http://www.cairn.info.ezproxy.univ-perp.fr/resume.php?ID_ARTICLE=DOCSI_512_0028
Vidal, G., & Collectif. (2012). Sociologie des usages, continuités et transformations : Traité des sciences et techniques de l’information. Hermes Science Publications.
[1] UPVD Platinium – Objectifs du séminaire. Consulté 30 mai 2016, à l’adresse http://platinium.univ-perp.fr/fr/menu/seminaire-c2i/objectifs-du-seminaire/
*Les invités de la boîte à outils :
Bertrand MOCQUET – Enseignant, Vice-Président en Charge du Numérique à l’UPVD. Chercheur au MICA, Université de Bordeaux Montaigne
Marie-Hélène SANGLA – Coordinatrice pédagogique du Master Miro.eu-pm (ANR-11-IDFI- 0027). Programme MIRO, UPVD Julien LUGAND – Maître de conférences, UPVD. Porteur délégué Programme Miro.eu-PM (ANR-11-IDFI- 0027). Chercheur au CRESEM, UPVD Sarah MAUGIN – Étudiante en Master Recherche Histoire, UPVD |
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Crédit image de une : Perpignan, batiment des archives | en cc sur Flickr | thierry llansades
Bonjour
J’ai repris votre article sur le site contributif Innovation pédagogique : http://www.innovation-pedagogique.fr/article798.html
Si cela vous va
Bien cordialement
Bonjour,
Merci pour ce billet.
A la demande d’Emilien, je me permets de noter ici une remarque que j’ai faite sur Twitter initialement (et qui a engagé quelques remarques ->https://twitter.com/seeksanusername/status/781003655612866561)
Ainsi, je m’étonne du choix de l’outil WIX comme CMS, qui finalement réduit beaucoup à la fois les possibilités mais également (et surtout) d’un point de vue pédagogique pour sensibiliser les étudiants sur la question (fondamentale, selon moi) de la données (au sens large) et avec toutes les problématiques que cela pose (mode description, dynamisme, pérennité de l’info, structuration, archivage, etc.
Un outil comme OMEKA (qui a également ses défauts, nobody is perfect), pourrait être une solution à envisager pour ce type de projet, d’autant que vous semblez priviligié des solutions libres comme Framapad et Zotero (réalisé par la même fondation qu’OMEKA). Bien entendu, je comprends bien, comme le souligne symac, les éventuels verrous techniques pour se lancer dans un tel projet.
Merci d’avance pour votre retour.
Bonne journée,
Antoine
Cher Collègue, vous nous faites une remarque fort judicieuse puisque nous avons choisi d’utiliser un CMS statique plutôt que dynamique. Ce choix a été guidé par la connaissance du milieu professionnel dans lesquels nos étudiants souhaitent s’intégrer. À aucun moment, nous n’avons constaté la volonté des futurs employeurs, Offices de tourisme ou associations, de mettre en œuvre une solution complexe avec installation sur serveur, comme Omeka le propose. Nous avons par contre constaté l’exigence de l’écriture de billet sur CMS WordPress dans certaines annonces ou en stage, qui semble être un standard pour les professionnels. Nous avons fait le pari quand utilisant un système simple et grand public comme Wix, nos étudiants apprendraient à écrire sur le web, et seraient en capacité de transférer sur un système de gestion de contenu un peu plus complexe comme Omeka que vous nous suggérez. Nous serions très curieux de connaitre vos expérimentations réalisées sur cette plate-forme avec vos étudiants, j’espère que vous pouvez laisser un billet sur ce site un de ces jours. A très vite alors, bien cordialement.