Vers un socle commun de formation aux outils numériques ?

Suite à nos diverses activités de formation et autres interventions dans des journées d’études ou des réunions internes à l’EHESS, Franziska et moi avons été amenés à réfléchir à la définition d’une sorte de socle commun de formation aux outils numériques pour les historiens.

Dans l’esprit qui anime les formations que nous organisons depuis fin 2009, l’idée n’est pas de fabriquer des experts en informatique, mais de sensibiliser les historiens aux outils qui sont à leur disposition pour bien démarrer puis mener leurs recherches.
Nos réflexions nous on menés à définir trois sortes de pôles au sein desquels peuvent être regroupés les principaux outils dont la maîtrise nous semble indispensable à l’issue d’un master en histoire, voire dans l’ensemble des sciences sociales :
  • Recherche documentaire (bibliothèques numériques et archives ouvertes ; catalogues, méta-catalogues et portails de ressources ; bases de données de revues)
  • Gestion et exploitation des données (outils de gestion de bibliographie et de sources, comme Zotero ; le tableur comme outil de traitement de données, calculs et graphiques, et comme instrument de base de données)
  • Présentation et diffusion de la recherche (traitement de texte et autres outils d’écriture ; logiciels de présentation type Powerpoint et/ou Prezi ; Blogging scientifique)
À l’intersection de ces trois pôles, ce trouve un ensemble d’outils de travail collaboratif qui peuvent intervenir au sein de ces trois pôles d’activités (wikis, zotero groups, écriture…).
Nous avons volontairement laissé de côté des instruments avancés de traitement de bases de données, de statistiques, etc. car l’idée est de construire des formations communes (à tous les historiens, mais on pourrait imaginer une extension à l’ensemble des disciplines de sciences sociales) qui aident les étudiants à bien démarrer. L’acquisition de ces bases leur permettront ensuite de se tourner vers des enseignements plus spécialisés pour des outils plus avancés (de l’analyse de réseau à la TEI en passant par SAS, R, etc.).

En somme, il s’agit de définir ce qui nous semble devoir relever, à moyen terme, de la culture générale commune à tous les historiens, voire à l’ensemble des étudiants et chercheurs en sciences humaines et sociales.

Qu’en pensez-vous ? Faites-nous connaître vos objections, encouragements ou vos simples remarques en commentaires.
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Émilien Ruiz
Historien, assistant professor à Sciences Po. < e-ruiz.com >

7 Comments

  1. Je trouve que cette présentation est très pertinente et évacue en plus certaines bêtises sur l’usage des réseaux sociaux.

    (vu que vous réclamez des encouragements).

  2. Utilisatrice récente et heureuse de vos conseils pour installer et utiliser Zotero je soutiens votre initiative.
    Elle me semble d’autant plus nécessaire que les programmes ne séparent guère ces trois tâches.
    L’outil idéal est celui qui est directif pour ne pas s’égarer et s’épuiser, mais aussi souple pour ensuite l’adapter à ses propres besoins. Idéalement (encore !), un tel projet devrait laisser une petite place pour les pratiques manuelles d’antan, qu’on ait encore des carnets et des notes colorées qui balisent toute recherche. Il faut sans cesse englober davantage, mais ne pas concevoir cela comme un cadre « total » qui emprisonnerait les utilisateurs et effacerait les envies de bricolage. Encore un très grand merci pour votre travail !

  3. Excellente initiative! Ce sont en quelque sorte les premières bases d’un C2i pour historiens que vous posez là (ou plus généralement un C2i spécialisé pour les disciplines SHS). Les premières briques étant posées, il serait intéressant d’approfondir et de formaliser davantage ce socle en déterminant pour chaque pôle un ensemble de capacités/connaissances à acquérir.
    A voir le contenu détaillé de vos formations en 2010, et particulièrement les conférences, je constate que vous avez déjà commencé à y intégrer la dimension « sensibilisation aux digital humanities » (méthodes et usages, outils, projets), ce qui rejoint d’ailleurs la question posée dans cet article (déniché au détour d’un tweet de @spouyllau) : Les « digital humanities » à la fac : utile ? [http://www.rslnmag.fr/vu-sur-le-web/309/les_digital-humanities_a-la-fac_utile_rww-] (suite à un article original de Curt Hopkins sur RWW). Ce sont peut-être là les prémices d’une intégration des DH dans les cursus en SHS.
    Je me demande si ce type de formation aux outils numériques existe dans les enseignements en histoire des universités françaises. Je serais curieux de savoir dans quelle mesure et sous quelle forme votre démarche de formation a été reprise en dehors de l’EHESS. Savez-vous s’il existe des formations du même type allant au-delà des simples UE de méthodologie du travail universitaire ou autres modules d’initiation à la recherche documentaire proposés par les BU ?

  4. Merci à tous pour les encouragements 😉

    @Morgane L. Nous sommes tout à fait d’accord avec l’idée qu’il faut aussi laisser une large place au « bricolage ». C’est d’ailleurs par ce moyen que nous en sommes arrivés à utiliser beaucoup des outils auxquels nous formons les étudiants… Pour les carnets papier, je suis d’accord puisque je continue moi-même à prendre beaucoup de notes (séminaires, colloques, etc.) de cette façon. Il ne faut toutefois pas négliger des outils très utiles comme l’éditeur de texte de Zotero, qui permet de regrouper références bibliographiques et notes sur les ouvrages référencés. Mais je pense effectivement que le numérique ne permet ni plus ni moins que d’ajouter une corde à son arc d’historien ; pas de remplacer les autres…

    @regisrob Nous sommes tout à fait d’accord sur le fait que la formation et la sensibilisation aux digital humanities ne doit pas se faire dans l’optique d’une nouvelle discipline séparée. C’est ce qui a guidé nos réflexions et la façon dont nous avons mis en oeuvre les formations depuis 2009. L’analogie avec le C2i est très pertinente puisque notre point de vue c’est que la maitrise de certains outils relève d’une sorte de culture générale informatique que tous les historiens devraient partager (c’est l’objet des cours et ateliers). Pour les outils plus spécifiques, qui méritent d’être connus sans toutefois qu’une formation s’impose à tous dès la licence ou le master, il nous semble nécessaire de procéder à des sensibilisations (via les conférences). Il s’agit d’ouvrir le champ des possibles en quelque sorte, et de tracer la limite entre ce qui s’impose à tous et ce qui est utile à quelques uns.

    Pour ce qui est des formations aux outils numériques au sein des cursus d’histoire il nous semble que – dans la perspective qui est la notre – l’offre est assez limitée. Non pas que rien n’existe, mais plutôt parce que :
    – soit l’offre est limitée à l’enseignement d’un seul outil dans le cadre des premières années de Licence ;
    – soit l’offre nous paraît un peu trop spécialisée, voire « technicisante ».

    Il nous semble que jusqu’en master, les étudiants devraient bénéficier d’enseignements de tronc commun qui leur permettent de savoir utiliser les outils usuels, indispensables à tous. Les outils plus avancés (base de données, analyses factorielles, SIG, etc.) devant faire l’objet de « sensibilisations » en tronc commun, et de formations spécialisées pour les étudiants intéressés (grâce aux sensibilisations justement).

    Pour ce qui concerne le quantitatif, la meilleure formation pour les jeunes chercheurs est celle qu’animent Claire Lemercier et Claire Zalc : http://www.quanti.ihmc.ens.fr/Atelier-2011-2012.html Nous n’avons eu que des bons échos (par des étudiants, collègues, et Franziska l’a suivi pendant deux années consécutives). La façon dont les animatrices de cet atelier envisagent l’enseignement des outils informatique nous a beaucoup inspiré.

    D’un point de vue général, il nous semble que le véritable obstacle à la pérennisation de formations du type de celle que nous appelons de nos voeux est constitué par le fait que la quasi-totalité des enseignements de ce type ne repose quasiment que sur l’engagement personnel et l’investissement « extra-institutionnel » des enseignants qui fondent ces formations. Celles-ci s’interrompent alors souvent lorsque les enseignants changent d’établissement, n’ont plus de poste, ou ne souhaitent pas continuer…

  5. Entièrement d’accord avec votre diagnostic. Votre démarche me semble intelligente et pragmatique : félicitations pour votre travail dans ce domaine !
    Mais quand et comment les initiatives privées, ou presque, permettront-elles de travailler à ce socle commun ?

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