Journée d’étude : Changer d’échelle pour renouveler l’histoire de la Shoah. Approches monographiques et prosopographiques

[Ces journées d’études ne concernent pas spécifiquement les outils numériques. Nous les signalons ici car elles sont consacrées à une réflexion épistémologique autour de démarches qui supposent parfois la maîtrise d’instruments informatiques déjà évoqués ici (des bases de données biographiques sur excel aux analyses de séquence avec R par exemple).

J’en profite pour rappeler quelques références classiques en ce qui concerne les échelles d’analyses en histoire : voir ici et .]

Journées d’études des 9 et 10 juin 2011 de l’IHMC à l’ENS

Organisateurs : Tal Bruttmann, Ivan Ermakoff, Nicolas Mariot et Claire Zalc

Ces journées d’études ont pour but de réfléchir aux apports des changements d’échelles dans l’écriture de l’histoire de la Shoah. Depuis quelques années, de nombreuses enquêtes sont venues enrichir notre connaissance de la période en adoptant une focale « micro » sur plusieurs types de terrains : étude des trajectoires d’une ou plusieurs familles, suivis de convois, histoires d’un ghetto, d’un camp, d’une ville, d’une région… Si ces travaux entendent apporter une pierre locale à l’édifice national ou européen de l’histoire de la destruction des Juifs d’Europe, nous aimerions questionner ici la spécificité de cette échelle d’observation dans la compréhension de l’histoire des persécutions.

Il s’agit pour cela de s’interroger sur les effets historiographiques d’une approche locale. Si le changement d’échelle d’observation produit des connaissances spécifiques, non aisément observables à des échelles plus larges, il constitue également une opération scientifique aux présupposés et aux implications sur lesquels nous nous proposons de revenir en détail au cours de cette journée d’études. Circonscrire le terrain d’observation revient à penser en termes d’espace social et donne la possibilité de restituer, entre choix et contrainte, les déterminants sociaux des itinéraires et les choix auxquels les individus sont confrontés.

Le cadre monographique permet-il de relire autrement les relations sociales qui se jouent entre les individus, en particulier au sein de la trilogie victimes, exécuteurs, témoins ? Comment l’approche prosopographique, en renseignant sur les réseaux d’interconnaissance, les groupes d’appartenance, les trajectoires biographiques, vient informer sur les moyens, les connaissances et les possibilités dont les hommes et femmes confrontés à la persécution comme acteurs, observateurs ou victimes, disposent ? Ces démarches conduisent à aborder les hypothèses développées depuis les années 1980 par les promoteurs de la microstoria pour d’autres périodes, mais qui peuvent être mises en œuvre de manière féconde pour l’analyse de la Shoah. Les notions d’interaction, de champ des possibles ou encore d’encastrement permettent-elles de penser différemment l’histoire des persécutions ? Quelles sont les vertus heuristiques, les difficultés et éventuellement les limites de ces approches ?

Mais ces journées d’études proposent aussi enfin réfléchir aux manières pratiques de mettre en œuvre ces recherches : quelles sont les sources qui s’y prêtent ? Comment utiliser la quantification sur des terrains locaux ? Est-il possible, et à quelles conditions, d’adopter des méthodologies classiques de l’histoire sociale sur des questions controversées et enjeux de mémoire, et plus précisément sur le terrain de la Shoah, défini en grande partie par son exceptionnalité ? Il s’agit donc de confronter les approches de chercheurs qui, tous, abordent l’histoire des persécutions à partir d’un angle local en comparant les points de vue engagés par les différents terrains, les méthodes et les échelles adoptées.

[Lire l’annonce complète :
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Émilien Ruiz
Historien, assistant professor à Sciences Po. < e-ruiz.com >

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