Former à l’utilisation des outils informatiques – vers un socle commun ? Notre contribution au #dhiha5

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Un socle commun ?

En ce moment un foisonnement de réflexions autour des outils informatiques se fait sentir, lancé par l’appel à publications repérable par le hash-tag #dhiha5 . Il s’agit d’un colloque qui aura lieu les 10 et 11 juin à l’Institut Historique Allemand, Paris – vous trouverez de plus amples informations en ligne sur le carnet dédié. Vous y trouverez notamment des renvois vers le très grand nombre de billets déjà publiés sur différents carnets, en français et en allemand.

La question de la formation aux outils informatiques a été soulevé plusieurs fois, entre autre dans un excellent billet de Frédéric Clavert et dans plusieurs contributions à la liste DH (que je vous conseille au passage pour la qualité de ses échanges). Ce sont évidemment des questions centrales pour nous ici à la Boîte à Outils des historiens (voir ce billet d’Emilien et le rapport publié ici). Nos impératifs respectifs de thèse nous empêchent tous les deux de faire un nouveau grand billet sur la question. Je me contente donc d’esquisser plusieurs éléments à partir de différents billets existants et d’une intervention que j’ai faite à  la table ronde de la journée « Humanités numériques » de l’EHESS.

Un socle commun possible ?

Emilien Ruiz publiait dans un billet en août 2011 une représentation graphique de notre reflexion issue de plusieurs années de formation aux outils informatiques pour des étudiants en master recherche histoire à l’EHESS (présentées plus amplement ici en français et là-bas en anglais).
Les éléments compris dans ce schéma peuvent étonner quand on sait que les discussions autour de formations aux outils informatiques pour les SHS, surtout parmi les adeptes des DH, tourne plus souvent autour du « XML-TEI obligatoire pour tous » (je caricature, mais à peine) qu’autour du (bon) usage du traitement de texte. Nous assumons notre objectif de départ : faire un état des lieux des connaissances indispensables pour tout jeune chercheur s’engageant dans une voie de recherche dans les sciences sociales – et devant donc, à notre sens, figurer dans une formation obligatoire pour tous, étroitement liée aux autres éléments de formation disciplinaire et méthodologique. Notre expérience nous montre que l’introduction de la certification informatique au niveau de la license ne change pas grand chose aux compétences pratiques et utiles des étudiants arrivés aux niveau M1 à qui on demande de les appliquer à leur objet de recherche et son élaboration. Nos différents tutoriels présents sur le blog font état du niveau que nous estimons nécessaire dans la maîtrise des différents logiciels et outils.

L’articulation entre ce socle commun et les savoirs plus spécialisés

Nous avons souvent fait l’expérience, en exposant notre projet de formation à différentes instances, de la rencontre avec un/e spécialiste d’une méthode particulière – que ce soit la statistique, la cartographie, la lexicométrie, la programmation plus largement… – qui nous expliquait à quel point c’était essentiel qu’une formation à « sa méthode » figure dans notre programme. Sans compter le fait qu’on aurait pu ainsi monter une formation à plein temps sur un temps assez long, c’est se méprendre sur les ambitions de nos formations. Notre objectif était de donner des bases communes, solides et nécessaires et ensuite d’ouvrir vers des horizons plus larges, sans pour autant former au détail. Dans notre cas concrèt des formations informatiques de pré-rentrée sur cinq jours, cela voulait dire qu’après une matinée de cours magistral de présentation d’un des éléments du socle commun et des travaux pratiques dessus en début d’après-midi, nous terminions la journée avec une conférence-débat avec un chercheur qui venait présenter son usage d’une méthode bien plus spécialisé.
La liste complète des conférences figure dans l’article de RHMC cité plus haut, il suffit peut-être ici de dire que nous avons pu brasser relativement large dans les usages historiens des outils informatiques, que ce soient des « vieux » projets issus des enquêtes collectives au CRH ou des usages plus neufs émergeant autour des pratiques innovantes en humanités numériques. C’était pour nous une manière de prévenir le danger évoqué par Claire Lemercier dans un message sur la liste DH, que « les gens se détournent de quelque chose dont ils ignorent tout, dont il n’ont qu’une idée caricaturale ». Et c’est une grande fierté pour nous de pouvoir dire qu’une étudiante de M1, Sophie Cinquin, ayant découvert un certain nombre d’outils informatiques dans le cadre de nos formations, a ensuite décidé qu’elle avait intérêt à apprendre la lexicométrie pour l’utiliser sur son corpus de sources – elle l’a fait, brillamment, en a tiré un très beau mémoire de M2 !

Transmissions inter-générationnelles ?

A la journée DH de l’EHESS évoquée ci-dessus, j’ai terminé mon propos avec une interrogation qui se trouve en écho avec le billet de Frédéric Clavert, également évoqué ci-dessus. Je me demandais qui apprenait de qui dans tout cela. La très usée métaphore des « digital natives » semble désormais disqualifiée, en tout cas en ce qui concerne les usages professionnels dans le cadre d’une formation à la recherche (nous avions aussi écrit à cette question ). Il reste que j’ai encore vu très récemment le cas d’un directeur de thèse découvrant la plateforme hypotheses.org et le blogging scientifique plus largement parce qu’un de ses doctorants y tient un carnet de recherche. Et que dans l’autre sens, un certain nombre de billets autour de la formation et des DH, écrits par ceux qui sont en pointe du mouvement, s’étonnent du peu d’enthousiasme de la jeune génération des chercheurs en devenir (, par exmple). Il est clair que les transferts se font dans les deux sens et que c’est sans doute un facteur contribuant à l’ambiance particulièrement sympathique des réunions DH – les barrières hiérarchiques traditionnelles, qu’elle soient entre début et fin de carrière ou entre (enseignant-)chercheur et ingénieur, y sont moins importantes.

Un dernier élément subsiste, c’est la question de l’institutionalisation de ces échanges. Le propre des cursus d’études est d’inscrire des éléments de formation tenus pour indispensables dans le parcours de ceux qui passent par là. Or, trop souvent les initiatives de formations aux outils informatiques sont l’oeuvre de passionnés, réalisées en complément à des maquettes officielles. Un échange avec Eric Guichard lors de la journée DH de l’EHESS m’a permis de mieux me situer dans le camp des « frustrés » ayant monté des formations, mais inquièts de leur pérennité. Les formations qu’Emilien Ruiz et moi-même avions montées n’ont pas été reconduites cette année et (sauf revirement de dernière minute) il n’est pas prévue qu’elle soient relancées après notre départ de l’EHESS en cette fin d’année universitaire. La communauté des DH se doit de réfléchir non seulement aux contenus possibles et aux formats les mieux adaptés pour des formations aux outils qui lui sont spécifiques, mais aussi et surtout à un message clair à l’ensemble de la communauté scientifique concernée pour que les enjeux des outils informatiques soient compris et intégrés par tous, y compris dans les parcours de formation.

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