Cueillir des fraises en vidéo : une chaîne pour la boîte à outils

Comme beaucoup de maraîchers amateurs, il m’a fallu penser un passage à distance de mes enseignements du semestre en cours. L’un de ceux du printemps 2020 consiste en un atelier de formation aux outils de recherche et de restitution pour les étudiants en deuxième année à Sciences Po.

L’objectif de cet enseignement, intitulé « Pratiques et politiques du numérique » est double : former les étudiants aux pratiques de recherche en ligne, à l’usage de quelques outils indispensables à la poursuite de leurs études ; utiliser ces compétences pour développer une réflexion critique sur les transformations numériques des sociétés contemporaines. Pour cela, un sujet est élaboré collectivement en lien avec leur majeure (Politique et gouvernement) pour que toutes les séances pratiques permettent aux étudiants d’appliquer, sur la durée du semestre, les enseignements à un cas concret dont ils auront choisi collectivement l’objet.

Depuis quelques années (sous la double influence d’un vol de mon ordinateur qui m’avait obligé à improviser une séance ; et du bénéfice, à l’université de Lille comme à Sciences Po, de l’accès à un réseau stable et à des ordinateurs qui fonctionnent en cours…), j’ai décidé de ne plus baliser tous mes enseignements de ce type par des tutoriels « statiques » (avec capture d’écran en pas à pas), pour plutôt faire des démonstrations en direct, à adapter fonction des besoins des étudiants. C’est plus souple et efficace ; d’autant que le fait de ne plus donner aux étudiants de « brochures » type « documentation complète du logiciel » est largement compensé, soit par la qualité de la documentation produite pour certains (Zotero ou Tropy par exemple), soit par les très nombreux tutoriels, statiques ou en vidéo, consacrés aux fonctions de base d’à peu près tous les outils que l’on pourrait être amenés à présenter. Avec le confinement, s’est donc posée la question du type de documentation à mettre disposition de mes étudiants.

L’idée de revenir à du tutoriel statique ne m’a pas semblé pertinent : sans pouvoir passer ensuite derrière chaque étudiant pour expliciter ce qui ne serait pas assez clair dans un tel document, pour revenir au tableau faire une mini-démonstration de telle ou telle opération qui ne fonctionne pas, etc. cela m’est vite apparu comme inutile. D’autant plus que la valeur ajoutée d’un tel enseignement concerne moins la démonstration des gestes et des pratiques standards que tout ce qui peut être dit « à côté », de façon plus ou moins formelle, sur les « bonnes pratiques », sur les erreurs à ne pas commettre que l’enseignant connait d’autant mieux qu’il les a largement expérimentées, sur les « faites ce que je dis même si ce n’est pas ce que je fais car j’ai de mauvaises habitudes », etc.

J’ai aussi renoncé à mobiliser un outil de visioconférence qui m’aurait permis de faire un « cours » classique, en présentant les outils pendant 2h et en donnant des consignes d’application pour la semaine. Si un « cours » en visio peut avoir du sens, il me semble que c’est plutôt dans des dispositifs de type « classe inversée » en mettant en place des processus d’autoévaluation et d’évaluation par les pairs, etc. pour centrer les visio sur des moments d’échanges et de restitution. Mais ce type de dispositif ne s’improvise pas en une semaine pour achever un enseignement déjà bien avancé et pensé au format atelier (en gros, une séquence théorie /démonstration /réponse aux questions ; suivie d’une séquence application /dépannage /questions restées en suspens).

Mon choix s’est donc porté sur la réalisation de démonstrations /tutoriels vidéo concentrés sur certaines démarches et ne visant, ni à tout présenter en une seule fois (façon tutoriel statique), ni à concentrer la démonstration sur les seuls gestes techniques (façon capsules courtes). Ces dernières sont extrêmement utiles pour l’auto-formation lorsque l’on connaît déjà l’intérêt d’un logiciel ou lorsque l’on est vraiment motivé. Depuis leur mise en ligne, je recommande d’ailleurs toujours vivement la petite série de 5 vidéos produites par la BU de Lyon 1 comme complément de formation à Zotero (pour les étudiants absents à une séance ou les collègues pressés par exemple). Malheureusement, j’ai pu constater que, le plus souvent souvent, cela n’est pas suffisant pour des étudiants, voire des enseignants, totalement néophytes et assez peu enclins à aller ensuite compléter leur formation par la lecture de la documentation Zotero ou par celle de la mine-d’or-absolument-incontournable que constitue le blog Zotero francophone. Mon choix s’est donc tourné vers la réalisation de vidéos traitant d’une question à la fois, et intégrant autant le « pas à pas » que les conseils de « bonnes pratiques » dans une durée qui ne soit pas (trop) longue.

Il y a une dizaine d’années, la volonté que nous avions, avec Franziska, de mettre à disposition du plus grand nombre ce que nous avions conçu pour nos étudiants de l’EHESS nous avait conduits à créer La boîte à outils des historien·ne·s, et les mêmes raisons m’avaient amené à lancer Devenir historien·ne un peu plus tard. C’est dans le même esprit qu’avec la mise en place de la #continuitépédagogique et cette première petite expérience de tutos en vidéo, nous avons décidé de créer une chaîne vidéo pour La boîte à outils.

Pour le moment elle reçoit essentiellement les vidéos conçues pour mes étudiants de Sciences Po (avec une série sur Zotero qui sera ensuite suivie d’une série sur les fondamentaux du traitement de texte, du stylage aux tables et index). Elle est toutefois destinée à s’enrichir de tout ce qui nous passera par la tête et tout ce que nous serions amenés à produire pour nos étudiants respectifs… Franziska a d’ailleurs déjà pleins d’idées !

Bon visionnage, bonne cueillette et, surtout, bon courage à toutes et tous pour les semaines à venir.

Print Friendly, PDF & Email
Émilien Ruiz
Historien, assistant professor à Sciences Po. < e-ruiz.com >

1 Comment

Leave a Comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *