Bibliographie collaborative de la Grande Guerre avec Zotero

Lors d’une journée d’études sur les historiens et leurs usages informatiques, j’ai présenté un de mes derniers projets dont je n’ai pas encore parlé ici. Il s’agit d’un système de bibliographie collaborative que j’ai mis en place pour une société savante, la International Society for First World War Studies. Le support intégré en fin de billet illustre les étapes essentielles de mon propos, je me contente donc d’un bref résumé. Si j’en parle ici, c’est pour deux raisons : d’un côté cette bibliographie peut constituer un outil intéressant pour ceux qui travaillent sur la Première Guerre mondiale, de l’autre le dispositif est parfaitement transposable à d’autres cadres et d’autres thématiques.

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« Digital History : Approches, méthodes et outils de travail »

L’association et la revue Diacronie. Strudi di storia contemporanea, l’université Paris Diderot et l’université de Bologne (présentation en français ici) organisent, avec le soutien de l’université franco-italienne un séminaire intitulé :
« Digital History : approches, méthodes et outils de travail« 
La première journée, coordonnée par Elisa Grandi <elygrandi*[at]*libero*[dot]*it>, aura lieu le 21 janvier 2013 à l’université Paris Diderot de 9h à 18h (Bâtiment Olympe de Gouges – 55, rue Albert Einstein, 75013 – salle 115).

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De la formation des historiens à l’heure numérique (propos liminaire à la table ronde de l’AFHE, 12-12-2012)

Comme je l’avais annoncé ici, le 12 décembre 2012, à l’occasion de l’AG de l’AFHE, Frédéric Clavert et Claire Lemercier m’ont fait l’honneur d’une invitation à parler formation et écriture de l’histoire à l’heure numérique avec Benoît Kermoal, Daniel Letouzey et Martine Sonnet.
 
Le principe de la séance était celui d’une réelle table ronde : notre propos liminaire ne devait donc pas dépasser 5 minutes de façon à laisser le plus de place possibles aux échanges entre intervenants et avec la salle. Ce fut une vraie réussite, cette séance très dynamique ayant permis des échanges très enrichissants.
 
Je reprends ici le texte, un peu retouché, de mon propos liminaire en l’agrémentant des documents illustratifs que j’avais auparavant publiés dans l’annonce de la table ronde.

 

*


J’ai été amené, à plusieurs reprises, à réfléchir et à parler des transformations numériques du métier d’historien en me basant, non seulement mais principalement sur mes expériences de doctorant en histoire qui enseigne, notamment, la méthodologie de la recherche et les outils informatiques pour les historiens (voir ici par exemple).
 
La première fois, c’était il y a un peu moins de deux ans, lors d’une table ronde de la SHMC. Une version revue et augmentée à quatre main de mon propos avait ensuite été reprise dans un article cosigné avec Franziska Heimburger et publié dans la RHMC début 2012 (article repris et traduit en anglais par Franziska dans le numéro de Diacronie que j’ai ensuite eu l’honneur de coordonner avec Elisa Grandi et Deborah Paci).
 
Le présent billet, et propos liminaire de ma participation à la table ronde, est donc l’occasion de reprendre et de synthétiser un peu tout cela… En effet, si depuis mars 2011 les exemples à mobiliser se sont multipliés, le constat que je dressais alors reste le même et que le défi principal à relever ne me semble pas avoir changé.

Les principales transformations du métier d’historien

Je résumerais les principales transformations numériques du métier d’historien à trois aspects. On observe en effet simultanément le développement :

 

  • des pratiques documentaires inédites(accroissement de l’accessibilité des documents ; massification de certains corpus ; modalités de traitement des sources)
  • des formes originales de diffusion de la recherche (dont le blog ou carnet de recherche constitue l’archétype, mais ce n’est pas le seul exemple. Je pense notamment aux revues et livres électroniques qui, si la dimension électroniques est prise au sérieux, devraient permettre un nouveau rapport aux sources dans les publications historiques scientifiques)
  • de nouvelles formes d’échanges scientifiques et pédagogiques (qui dépassent largement le modèle de la liste de diffusion : je pense notamment aux wikis, mais aussi aux blog – a fortiori quand ils sont collectifs – à des outils spécifiques comme les groupes Zotero de bibliographies collaboratives, mais aussi à des réseaux tels que Twitter, sur lequel évoluent d’ailleurs  presque tous les intervenants de la table ronde  et via lequel j’ai fait la connaissance de la plupart d’entre-eux – voir @inactinique, @enklask, @msonnet, @clioweb2 et votre serviteur du côté de @mXli1)
Ces transformations, par leur caractère accéléré et massif témoigne d’une mutation profonde des modalités pratiques de l’exercice du métier d’historien (ne serait-ce que d’un point de vue très matériel, par le type d’outils technologiques à sa disposition, de l’appareil photo numérique à la tablette)
 
Les interrogations sur les relations entre histoire et informatique ne sont pas récentes, il suffit de penser à celles qui ont émergé au moment de la dite « révolution informatique », concomitante des errements de l’histoire quantitative.

 

(je rappelle mes réserves sur le Ngram Viewer, mais l’utilise ici quand même comme illustration…)
NGramRevNum

NGramDHAnciennes donc, ces interrogations ont toutefois évolué depuis un peu plus d’une décennie avec ce qu’il est convenu d’appeler « l’ère numérique ». En fait, ce qui a changé, c’est que les questions se posent maintenant à tous, quels que soient l’ancrage chronologique ou l’approche privilégiée.

Un défi : la formation

Dans une telle perspective, le défi incontournable reste donc la formation. La première chose à faire en ce domaine est de se défaire de l’idée même de l’existence de « natifs numériques ». Entre 2006 et 2012, j’ai enseigné l’utilisation de certains outils de base à des étudiants, de la 1e année de Licence jusqu’au doctorat. Si j’ai appris une chose c’est que les « digital natives » n’existent pas en terme générationnel. Il existe toujours une minorité très compétente, mais l’immense majorité correspond plutôt à ce que Frédéric Clavert à très justement appelé des « facebook natives ».
 

***

Quelques références à ce sujet :

Olivier Ertzscheid, « Et si on enseignait vraiment le numérique ? », Le Monde.fr, 3 avril 2012 [L’auteur tient un blog de référence que vous connaissez déjà certainement : affordance.info]
Extrait : « (…)Combien de collégiens, de lycéens et d’étudiants, combien de ceux qui sont nés en 1996 sont-ils au courant de cette Histoire, de ces pratiques, de cette évolution ? Combien d’entre eux connaissent-ils le fonctionnement – même schématique – des algorithmes qui, dans Facebook ou dans Google, leurs proposent aujourd’hui des réponses avant même qu’ils n’aient formulé leurs questions ? Combien d’entre eux peuvent-ils expliquer pourquoi cette vidéo apparaît toujours classée première sur YouTube ? Combien d’entre eux sont-ils capables de comprendre ce qu’est un DRM lorsqu’ils achètent un livre numérique ? Et combien d’entre eux savent-ils qu’il existe des alternatives moins contraintes et tout aussi respectueuses du droit d’auteur, au travers de formats interopérables ?(…) »
Frédéric Clavert, »Digital natives ou Facebook natives ?« , Clavert.net, 25 novembre 2011. [Je vous recommande vivement la lecture de la très riche et très intéressante section « Numérique » du blog de Frédéric]

Extrait : « (…) Mais également mécontent d’un constat. J’avais devant moi des étudiants doutant de l’utilité d’un blog/carnet de recherche. Ils estimaient qu’un blog en histoire ne pouvait être intéressant que s’il était écrit par une “pointure”, un historien connu. Lorsque je lis Benoît Kermoal – qui m’excusera de ne pas le considérer comme une “pointure” – je sais à quel point ils ont tort.
Ce qui m’a effrayé – outre l’absence complète de connaissances sur l’histoire du web mais c’est à moi de le leur enseigner, après tout – c’est leur usage sans distanciation de l’outil informatique, sans réflexion et leur comportement a priori passif vis-à-vis, notamment, de Facebook.(…) »

Voir la brève de Pierre Moison, « Les « digital natives » ont encore besoin des bibliothécaires« , enssib, 1er septembre 2011.
Extrait : « (…)Menée dans le cadre du programme “Ethnographic Research in Illinois Academic Libraries”, cette enquête (dont les résultats seront prochainement publiés par l’American library association) confirme qu’en dépit de leurs réelles compétences technologiques, les étudiants rencontrent encore d’importants problèmes dans leurs recherches documentaires. Cette étude montre également que les étudiants ne sont pas conscients que leurs difficultés relèvent d’un besoin de formation et ne perçoivent pas que les bibliothécaires peuvent les aider.(…) »
Voir aussi Franziska Heimburger et Émilien Ruiz, « Les « digital natives » ne naissent pas chercheurs… formons les !« , Archimag. Stratégies et ressources de la mémoire et du savoir, n°250, décembre 2011-janvier 2012, p. 50 (la version publiée est plus courte que la version reprise ici)
 

Et pour aller plus loin…

Jones Chris, « Networked Learning, Stepping Beyond the Net Generation and Digital Natives », in Lone Dirckinck-Holmfeld, Vivien Hodgson et David McConnell (dir.), Exploring the Theory, Pedagogy and Practice of Networked Learning, New York, NY, Springer New York, 2012, pp. 27‑41.
Jones Chris, « Students, the Net Generation and Digital Natives: Accounting for Educational Change », in Michael Thomas (dir.), Deconstructing Digital Natives: Young People, Technology and the New Literacies, London & New York, Routledge, 2011, p. 220.
Jones Chris, Ramanau Ruslan, Cross Simon et Healing Graham, « Net generation or Digital Natives: Is there a distinct new generation entering university? », Computers & Education, vol. 54, no 3, Avril 2010, pp. 722‑732.
Jones Chris et Shao Binhui, The net generation and digital natives: implications for higher education, York, Higher Education Academy, 2011.
Thomas Michael (dir.), Deconstructing Digital Natives : Young People, Technology, and the New Literacies, Hoboken, Routledge, 2011
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Les apprentis chercheurs sont généralement eux-mêmes tout à fait conscients de leurs besoins (et parfois plus que ceux qui sont censés les former !). J’ai procédé à des enquêtes auprès des étudiants en master histoire de l’EHESS et leurs besoins de formation, nés d’une généralisation de l’utilisation de certains outils, ne font aucun doute.
 
(Enquête auprès des étudiants en Master de l’EHESS, 2009-2011)
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(Enquête auprès des étudiants en Master de l’EHESS, 2011-2012)
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(Enquête auprès des étudiants en Master de l’EHESS, 2009-2011) 
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(Enquête auprès des étudiants en Master de l’EHESS, 2011-2012)
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  • Enquête en cours sur la formation aux outils informatiques et ressources numériques des étudiants en histoire (résultats à suivre ici dans un prochain billet)

 
L’absence d’une formation de base solide pose de réels problèmes. Ceux-ci vont du rejet pur et simple de l’utilisation de certains instruments (considérés comme inutiles ou trop difficiles à utiliser) à une mauvaise utilisation pouvant relever de la fétichisation de ces mêmes instruments…

Deux directions complémentaires


Pour relever ce défi, je pense qu’il est nécessaire de repenser la formation des étudiants à deux niveaux.

  • Vers une « culture numérique » commune ?
Le premier niveau relève de la construction « culture numérique » commune à tout historien (apprenti ou non). Ce que j’entends par là, c’est qu’entre la licence et la première année de Master (voire avant ?) il est nécessaire de fournir deux choses aux étudiants.

– En premier lieu la maitrise d’outils indispensable à tous (outre la bureautique de base, je pense par exemple aux logiciels de bibliographie, aux outils de veille, aux instruments de recherche mais aussi éventuellement à une initiation à la programmation). C’est ce que j’ai déjà évoqué ici dans un billet sur une proposition de « socle commun » que vous avions pensé avec Franziska à l’occasion d’une réunion de la commission Master de l’EHESS. Elle nous semblait alors valable pour l’ensemble des étudiants en master en sciences humaines et sociales.


Socle
Schéma extrait de Émilien Ruiz, « Vers un socle commun de formation aux outils numériques ?« , La boîte à outils des historiens, 3 août 2011.
– En second lieu, une ouverture d’un champ des possibles est indispensable. Pour qu’ils disposent des bases pour évoluer eux-mêmes dans un milieu en évolution perpétuelle, mais aussi pour qu’ils soient en mesure d’identifier eux-mêmes des outils qu’il leur faudra apprendre à utiliser en fonction de l’évolution de leurs recherches. C’est ce que nous tentions de faire avec Franziska grâce aux conférences organisées dans le cadre de notre formation annuelle à l’EHESS (interrompue cette année).

ConferencesOutilsInfos_2009-2012
Tableau extrait de Heimburger, Franziska, Ruiz, Émilien, «Has the Historian’s craft gone digital? Some observations from France», Diacronie. Studi di Storia Contemporanea, N. 10, 2|2012

 

Dans tous les cas, il est indispensable que ce soit des historiens qui conçoivent et dispensent ces formations : c’est un antidote au désintérêt des étudiants, mais aussi à la fétichisation des instruments.

  • Des options de spécialisation et/ou de professionnalisation
Le second niveau relève de spécialisations plus poussées des masterants et doctorants, il ne s’agirait pas d’un tronc commun mais d’options facultatives ou obligatoires dans le seul cadre de certains parcours (instrument poussés d’analyse statistiques, de base de données, de SIG, etc.). Un exemple : tout historien ou historienne devrait savoir ce qu’est la TEI ; en revanche je ne pense pas que tout historienne ou historien ait besoin de savoir encoder en TEI.
En outre, le développement et la complexification des outils, la technicité de certaines questions, impliquent la nécessité d’un dialogue permanent entre historiens et informaticiens. Mais élaborer des cadres de travail qui permettent un véritable dialogue interdisciplinaire n’est pas si simple.
 
C’est pour cela qu’il est, par exemple, indispensable de former des sortes d’intermédiaires, des professionnels disposant de compétences suffisantes pour maîtriser le double langage histoire/informatique. Je ne pense pas qu’il faille former tout étudiant en histoire à une maîtrise de l’informatique qui en fasse un programmeur professionnel. En revanche, que des historiens-programmeurs soient formés pour faire le lien entre historiens et informaticiens constitue une vraie nécessité. Sans compter que ces formations ouvrent du même coup de nouvelles perspectives d’emploi à celles et ceux qui le suivront…
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Sur ces questions, lire la série de billets « pensées éparses » de Frédéric Clavert :


Un exemple de formation le « Master – Technologies numériques appliquées à l’histoire » de l’école des Chartes:


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Pour ne pas être trop long (ce billet est plus long que mon propos liminaire…), je n’ai pas évoqué les questions relatives aux nouvelles formes d’écriture électronique (voire de diffusion électroniques d’écrits plus classiques). D’autant que Martine Sonnet et Benoît Kermoal étaient bien plus compétents que moi pour le faire (d’ailleurs, je vous invite à lire très bientôt un billet de ce dernier du côté de Devenir historien-ne, où il reviendra sur ses pratiques de blogging avec Enklask/Enquête).

J’achèverai donc ce billet comme j’avais achevé mon propos liminaire en considérant que les deux principaux défis que les nouvelles formes d’écriture doivent relever à l’heure actuelle sont leur légitimation et leur généralisation – même si la situation semble de plus en plus encourageante… (voir à ce sujet les billets de Pierre Mounier et Mareike Koenig – ici et – ainsi que la nouvelle rubrique « blogs et carnets » amenée à s’enrichir sur Devenir historien-ne).

 
Notre capacité à relever ces deux défis dépendent, encore et toujours, de la formation. Seule une véritable acculturation de la profession aux possibilités offertes par les outils numériques à notre disposition permettra de les faire entrer dans la boîte à outils de tous les historiens.

“Le numérique : de nouvelles façons d’écrire l’histoire ?” – Table ronde de l’AFHE, 12 décembre 2012

À l’occasion de l’assemblée générale de l’Association française d’histoire économique qui aura lieu le mercredi 12 décembre, Frédéric Clavert et Claire Lemercier (que les lecteurs et lectrices assidus de ce blog connaissent bien…), organisent une table ronde intitulée :
Cette séance, à laquelle j’aurai l’honneur de participer, proposera une discussion entre quatre intervenants (outre votre serviteur, il s’agit de Benoît Kermoal (ici et ), Daniel Letouzey (ici et ) et Martine Sonnet (ici, et ) et avec la salle. Le propos sera centré sur deux questions principales : la formation et l’écriture en ligne.

Sondage sur les formations informatiques / numériques des étudiants en histoire en France

Je cherche à recenser les formations dispensées aux étudiants en histoire à l’université française en 2012-2013. Il s’agit de dresser un petit état des lieu de la formation des étudiants dans ce domaine en dehors du C2i (par lequel tout étudiants inscrit en Licence en France doit passer). Si vous en connaissez, je vous serai très reconnaissant de bien vouloir remplir le formulaire suivant.

Pour éviter d’éventuelles multiples réponses similaires je tenterai d’indiquer en commentaire de ce billet les formations qui m’auront été signalées au fur et à mesure…

N’hésitez pas à diffuser le lien vers ce billet à vos réseaux ! Je tacherai de communiquer les résultats de cette petite enquête ici même.

Merci d’avance !

Gérer la documentation II – une approche possible utilisant Zotero

Dans un premier billet, j’ai évoqué les possibilités logicielles qui existent pour gérer la documentation d’une thèse. Dans ce billet-ci, je reviens sur mon mode de fonctionnement personnel, pour l’essentiel une utilisation intensive du logiciel de gestion de bibliographie Zotero (bien connu des lecteurs de ce blog). Pourquoi ce choix ? Au départ c’est une volonté d’éviter l’éparpillement. Il me fallait de toute façon un outil pour gérer la bibliographie et il me semblait naturel d’y stocker mes notes concernant la lecture de la dite bibliographie. De là, il n’y avait qu’un pas pour y intégrer également mes notes d’archives – surtout pour pouvoir profiter des fonctions d’organisation, d’annotation et de recherche en plein texte sur l’ensemble de ma documentation.Continue reading →

Vu sur… le site de Frédéric Clavert : « Lecture des sources historiennes à l’ère numérique »

Frédéric n’est pas inconnu des lecteurs assidus de La boîte à outils des historiens. Il a notamment contribué à ce blog avec un billet sur les réseaux sociaux et a participé à l’une des conférences organisées dans le cadre de nos (regrettées) sessions de formations aux « outils informatiques pour les historien-ne-s« .
Il vient de publier de très intéressantes réflexions sur son blog. Dans un billet intitulé « Lecture des sources historiennes à l’ère numérique » il s’interroge : peut-on « parler de lecture computationnelle des sources de l’historien ? »
Je vous encourage vivement à consulter les éléments de réponse qu’il propose, invitant les historiens à une quadruple lecture des sources primaires : close reading / distant reading d’un côté ; lecture humaine / lecture computationnelle de l’autre.

Gérer la documentation I – Quelques considérations générales

jo and the filingI love clutter

Émilien a lancé cet été une réflexion sur la gestion de la documentation, en partant de sa situation de fin de thèse et spécifiquement d’un incident qui l’amenait à revoir ses pratiques de sauvegarde. J’aimerais revenir sur ces questions – dans un premier billet avec quelques possibilités informatiques existantes pour gérer l’information nécessaires à la rédaction d’un travail conséquent de recherche, puis dans un deuxième où j’ouvrirai en quelque sorte les placards pour montrer mes choix personnels pour ma thèse.

La documentation – quels types de document, quels formats ?

Quand on parle de documentation pour une thèse, et ici spécifiquement en histoire, cela comprend une multitude de documents divers dans beaucoup de formats différents :

2011 K-12 Archives Education Institute

Les archives génèrent de la documentation de travail, que ce soit sous la forme de photos prises directement aux archives (nous en avons déjà parlé) ou téléchargées à partir d’archives numériques, de photocopies faites sur place, de transcriptions sur papier ou sur ordinateur ou de notes de lecture.

La lecture de travaux secondaires fait de même : exemplaires physiques et/ou numériques de livres et articles, listes de réferences bibliographiques, notes de lecture, citations extraites d’ouvrages
Au cours du travail on accumule les ecrits : brouillons d’idées, textes exploratoires discutés avec le directeur, papiers présentés en colloque (éventuellement accompagnés de diapositives), articles pour publication

    Métaphores et choix

    Seau rose

    Il existe différents logiciels et stratégies pour gérer ce type de documentation abondante (il existe même un laboratoire qui les étudie). Pour simplifier et en même temps reprendre un débat vif dans les blogs sur la question, nous allons les regrouper en deux grands groupes.

    Les premiers sont ce que l’on appelle en anglais des « everything buckets », des « seaux-fourre-tout », si on veut: Il s’agit de logiciels conçus pour capter des informations venus de différents horizons et dans des formats différent (fichier text, pdf, image, vidéo, son…) pour les regrouper, sans se préoccuper beaucoup du classement. Les interfaces se ressemblent. Dans les grands noms dans le domaine, vous pouvez croiser Evernote, voici la présentation du logiciel sous forme vidéo :

    D’autres outils fonctionnant sur un principe similaire sont DevonThink et Yojimbo (tous deux OS Mac uniquement) ainsi que Microsoft OneNote (Windows et iOS).
    L’autre groupe concerne d’avantage des stratégies de gestion que des logiciels. Pour dire vite, ils s’appuient sur la structure du système d’opération pour classer et organiser les différents éléments de documentation. C’est ce que vous faites si vous prenez des notes d’archives dans un traitement de texte par carton ou dossier pour ensuite les classer dans des dossiers par fonds d’archive, par exemple. Ensuite, il faut utiliser les capacités d’indexation du système d’exploitation pour retrouver les documents (ce qui marche beaucoup mieux sous MacOS avec Spotlight qu’ailleurs).

    On serait tenté de dire que le choix entre l’une ou l’autre des méthodes relève de la préférence personnelle, mais il est néanmoins utile de connaître les débats vifs qui opposent les défenseurs. Tout a commencé avec un billet d’Alex Payne, à ce moment-là dans l’équipe de développement de Twitter, ou il explique pourquoi il déconseille fortement l’usage des « everything buckets ». Pour lui, le gain de temps au moment de l’enregistrement est un facteur de risque pour plusieurs raisons : les données sont peu structurées et donc peu exploitables après, il y a un risque de perte de l’information en cas de corruption de la base du logiciel, et surtout cela amène à utiliser pour tout un logiciel peu adapté alors qu’il existe des logiciels spécialisés qui accomplissent mieux les tâches individuelles. Adam Pash the Lifehacker a suivi cette ligne argumentaire dans un billet exposant son aversion pour les « everything buckets » (lisez aussi les commentaires – en cliquant sur « all » pour tous les voir, illustrant bien la diversité des usages possibles).
    Le contre-argument a été pris par David Karger dans un long billet très intéressant, que je vous conseille de lire en entier parce qu’il renvoie aussi vers beaucoup d’autres logiciels, en expliquant les nuances le leur fonctionnement. Pour lui les « everything buckets » sont inévitables, il s’agit de les rendre vraiment opérant pour les besoins des utilisateurs.
    Vous noterez que les auteurs des billets cités ne sont pas chercheurs en SHS, ce qui nuance leurs besoins par rapport aux nôtres. Cela concerne en particulier la bibliographie pour lequel il faudrait de toute façon un logiciel spécialisé, même si on utilise un « everything bucket » (à moins, bien sûr de considérer son logiciel de bibliographie comme un « everything bucket » structuré, mais je vous en parlerai plus en détail la semaine prochaine en expliquant comment je travaille.

    L’exemple du Zettelkasten

    J’ajoute un dernier élément parce qu’il me fascine et que je compte en reparler la semaine prochaine en exposant mes méthodes de travail. Le classement de la documentation a bien sûr existé avant les outils informatiques. Le sociologue allemand Nikolas Luhmann (1927-1998) a développé une méthode qui lui est propre, en utilisant de façon extensive des fiches en papier. La meilleure description que j’ai pu trouver en anglais se trouve ici, mais si cela vous intéresse et que vous lisez l’allemand, je vous encourage à lire le chapitre ou Luhmann lui-même explique son système : Luhmann Niklas, « Kommunikation mit Zettelkästen: Ein Erfahrungsbericht », in André Kieserling (éd.), Universität als Milieu, Bielefeld, Haux, 1992, pp. 53-61.
    Luhmann notait toutes les idées qui lui venaient de ses lectures ou d’ailleurs et il les reliait aux notes préexistantes par un système de numérotation extensible et sous-divisible à l’infini. Ils ne prenait pas des notes pour un projet spécifique, mais alimentait en quelque sorte en permanence sa base, le « Zettelkasten ». Dans l’analyse citée ci-dessus il explique qu’il se faisait souvent surprendre par les liens entre idées qui deviennent apparents par son système de classement et lui inspirent de nouveaux travaux. Pour Luhmann, sa « boîte à fiches » est son « Zweitgedächtnis », une sorte de cerveau secondaire ou deuxième cerveau qui fait apparaître ses idées sous d’autres angles. Après la mort de Luhmann un long combat a commencé entre les ayant-droit et les chercheurs intéressés par ce fond énorme que représente la « boite à fiches ». Il est aujourd’hui résolu et des chercheurs essaient maintenant de comprendre et exploiter cet objet insolite.
    Voici une vidéo où Luhmann lui-même explique le fonctionnement de son « Zettelkasten »:

    Apprenez à coder des styles CSL pour Zotero etc. !

    Il y a bientôt un an, nous lancions avec le blog Zotero francophone l’initiative « CSL France – Styles pour Zotero ». Vous pouvez voir les résultats intermédiaires sur la plateforme qui nous sert pour accompagner le processus d’écriture de ces styles :
    Un nombre non-négligeable de styles pour les revues importantes (surtout en histoire, pour l’instant) ont été crée et sont maintenant disponibles dans le répertoire des styles CSL.
    Des besoins de style ont été repéré (colonne de gauche), mais pour l’instant un bon nombre d’eux manquent encore de précision, notamment en ce qui concerne l’indication des consignes aux auteurs.

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