Les « digital natives » ne naissent pas chercheurs… | La boîte à outils des historiens dans Archimag !

Sollicités début novembre par Guillaume Nuttin, nous avons rédigé une petite tribune pour Archimag (magazine spécialisé pour les professionnels de l’information-documentation) qui vient de paraître dans le n°250. Vous pouvez télécharger gratuitement ce numéro au format .pdf  Voici le texte original) de la tribune, paru (dans une version légèrement modifiée) dans le magazine :

Les « digital natives » ne naissent pas chercheurs… formons-les !
Depuis une dizaine d’années, ce qu’il est convenu d’appeler le passage à l’ « ère numérique » a entraîné des transformations profondes des pratiques de recherche en sciences humaines et sociales. Dans notre discipline, des recherches documentaires préliminaires à l’écriture de l’histoire en passant par l’exploitation des sources, le recours aux outils informatiques et aux ressources numériques est désormais incontournable.
Dans le cadre d’un article à paraître dans la Revued’histoire moderne et contemporaine, nous avons tenté de proposer une typologie des trois principales transformations qui ont affecté la discipline historique :
  • De nouvelles pratiques documentaires entraînent une accélération de certaines étapes de la recherche, une accessibilité accrue à la documentation, une massification des corpus exploitables et une automatisation de certaines pratiques.
  • Des modes de diffusion de la recherche inédits apparaissent. Des carnets de recherches en ligne aux archives, on assiste à une multiplication des supports de publication des contenus scientifiques.
  • De nouvelles formes d’échanges scientifiques et pédagogiques se développent grâce à la naissance de nombreux outils facilitant l’entraide, le travail collaboratif et les démarches collectives, de l’écriture à la constitution de bibliographies en passant par la transcription de sources.
Une véritable prise de conscience est nécessaire. Les apprentis historiens de ladite « génération Y » s’adaptent beaucoup plus facilement que leurs prédécesseurs à l’environnement numérique qui nous entoure, mais ils n’ont pas moins besoin d’être formés à des outils spécifiques. À défaut, deux risques menacent : celui d’un abandon pur et simple d’outils pourtant désormais essentiels à toute pratique de recherche ; celui d’un usage inapproprié de certains instruments, ou de la mobilisation de dispositifs inadaptés. Dans tous les cas, ce sont les résultats scientifiques qui pourraient être affectés par de mauvaises pratiques, nées de l’absence de formation adéquate.
L’élaboration d’un socle commun de compétences informatiques à tous les historiens, composé d’outils et ressources que tous devront savoir maîtriser à l’issue d’un Master, voire d’une première année de doctorat, nous semble constituer le principal défi à relever dans les années à venir. Nous voyons trois pôles principaux :
  • Recherche documentaire : utilisation des bibliothèques numériques et archives ouvertes ; catalogues, méta-catalogues et portails de ressources ; bases de données de revues).

  • Gestion et exploitation des données : maîtrise d’outils de gestion de bibliographie et de sources (tels que Zotero) du tableur comme outil de saisie et de traitement de données, de réalisation de calculs et de graphiques.

  • Présentation et diffusion de la recherche : usage dutraitement de texte et autres outils d’écriture ainsi que de logiciels de présentation ; initiation au Blogging scientifique.
Dans l’esprit qui anime les formations que nous organisons à l’EHESS depuis fin 2009, ce que nous proposons à travers l’idée de « socle commun », ce n’est pas de fabriquer des experts en informatique, mais de sensibiliser les historiens aux outils qui sont à leur disposition ; de participer à la construction d’une sorte de culture générale commune aux historiens – et plus globalement aux sciences humaines et sociales.

Il est temps de faire en sorte que les conditions soient enfin réunies pour que les historiens ne restent pas en marge des mutations profondes qui affectent leur métier.

n. b. : Petites erreurs de bio… je ne suis (malheureusement) pas (encore) docteur… et nous sommes tous les deux enseignants à l’EHESS cette année, Franziska est ATER et moi chargé de cours.
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Émilien Ruiz
Historien, assistant professor à Sciences Po. < e-ruiz.com >

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